Chroniques

par laurent bergnach

Georg Friedrich Händel
Teseo | Thésée

DVD Arthaus Musik (2005)
100 708
Enregistré en juillet 2004 au Schlosstheater Neues Palais de Postdam

En 1711, installé à Londres, Händel remporte un succès considérable avec Rinaldo. Dès lors, il n'a de cesse d'établir en Angleterre un art inspiré de ses découvertes italiennes, mais en ménageant la tradition et la susceptibilité d'un peuple dont il prendra la nationalité quinze ans plus tard. Déjà en chantier au moment de la création de Il pastor fido (en novembre 1712), Teseo est un dramma tragico en cinq actes dont la première représentation a lieu le 10 janvier 1713, au Théâtre Haymarket. Ses histoires pastorales n'ayant pas captivé les foules, Händel revient à une histoire de magie, située non plus au temps des Croisades mais dans la Grèce Antique. Costumes et décors multiples, effets spéciaux nombreux firent de cet opéra un grand succès, proposé une douzaine de fois, mais jamais plus du vivant de son créateur après l'ultime représentation du 16 mai 1713.

Tandis que Teseo combat au côté des Athéniens, Agilea s'inquiète d'une décision du roi Egeo. Celui-ci, qui avait promit d'épouser la magicienne Medea, l'a finalement choisie comme reine. Tandis qu’Agilea chante son renoncement au trône et son attachement à Teseo, Medea confie, elle aussi, son amour pour le même homme. Elle fait appel à la magie et enlève sa rivale. Après avoir tenté, par menaces et sortilèges, d'éloigner les deux amoureux, elle se rend compte que chacun donnerait sa vie pour l'autre. Attendrie, elle décide d'accepter le bonheur de l'homme qu'elle aime. Mais au dernier acte, la jalousie la reprend. Elle remet à Egeo une coupe empoisonnée qu'il doit servir à Teseo. Coup de théâtre : le roi reconnaît le glaive jadis donné à son fils et arrache la coupe de ses mains. On célèbre le mariage de Teseo et Agilea, celui des serviteurs Clizia et Arcane, tandis que Medea fait enflammer le palais. L'intervention de Minerve offre une fin heureuse à toute cette aventure.

Enregistré en juillet 2004 au Schlosstheater Neues Palais de Postdam, nous retrouvons la production découverte au Händelfestspiel de Halle l'année précédente [lire notre chronique du 9 juin 2003]. À quelques détails près (le ballet des démons), la mise en scène d’Axel Köhler est plutôt réussie. Les panneaux coulissants qui servent aux changements de scène, le lit de Medea – recouvert de crin, tout comme sa robe –, les hommes-miroir ou chevalet occupent l'espace sans l'encombrer. L'accent est mis sur des costumes soignés (Stephan Dietrich) et sur une direction d'acteurs attentive qui fait intervenir la tendresse, l'humour et l'érotisme.

Le trio féminin est vocalement très homogène. Maria Riccarda Wesseling est une Medea grotesque et émouvante ; Sharon Rostorf-Zamir paraît d'emblée une Agilea attachante et émouvante – aria poignante (Acte IV, scène 7), accompagnée d'un simple luth – ; Miriam Meyer donne de la consistance à son personnage de Clizia. Chez les contre-ténors, en revanche, on constate plus de disparité. Thomas Diestler (Arcane lunaire) possède une voix sonore, un beau timbre mais se permet souvent des dérapages. Martin Wölfel (Egeo) n'a pas de soucis de justesse mais son émission, plus légère, manque de puissance. C'est donc Jacek Laszczkowski qui emporte notre faveur, avec son chant précis, délicat et ample. Le montage vivant de ce beau spectacle est à l'unisson de la direction dynamique et enjouée de Wolfgang Katschner, à la tête de la Lautten Compagney Berlin. On se demande quand même ce que viennent faire ces micros, presque indécelables, derrière l'oreille des artistes…

LB