Chroniques

par laurent bergnach

Georg Friedrich Händel
Agrippina | Agrippine

2 DVD Dynamic (2004)
33431
dans l'univers du metteur en scène Frédéric Fisbach

Créé à Venise en décembre 1709 ou janvier 1710, Agrippina, le troisième opéra de Händel, reçut un accueil chaleureux. Vingt-sept représentations successives témoignent du succès que remporta cette œuvre en trois actes – sur un livret du cardinal Vincenzo Grimani, exclusivement écrit pour lui –, sans doute parce que déjà trois années l'avaient familiarisé avec la langue, les compositeurs… et le goût du public de ce pays. Le livret contient des personnages crédibles, des situations variées et mouvementées (complots, intrigues, vengeances), propres à plaire aux Italiens et à prouver, pour le compositeur, son talent – notamment dans le traitement de la voix, avec pas moins de trente-sept arie !

Apprenant la mort de l'empereur Claude, sa femme Agrippine souhaite mettre son fils Néron sur le trône. Alors que tout semble gagné pour que ce dernier soit populaire auprès du peuple, Claude revient : son lieutenant Othon lui a sauvé la vie et a reçu la succession en récompense. Agrippine doit changer ses plans. Elle profite qu'Othon lui avoue son amour pour Poppée pour mentir à celle-ci, s'en faisant une alliée contre le malheureux soupirant. Bientôt renié par tous, Othon parvient à convaincre Poppée qu’ils sont tous deux l'objet d'un complot de l'impératrice. La vengeance peut alors s'organiser...

Véronique Gens (Agrippine), d'une voix présente et bien projetée, ménage de belles nuances. Philippe Jaroussky (Néron) possède décidément une voix magnifique, souple et charnue. Plus éthérée, celle de Thierry Grégoire (Othon) est claire, permettant variations et ornements de qualité. Ingrid Perruche (Poppée) et Nigel Smith (Claude) nous offrent également un chant excellent. Seul Bertrand Deuletré (Pallas) manque parfois de souffle et de souplesse.

Hélas pour nous, tous ces personnages évoluent dans l'univers du metteur en scène Frédéric Fisbach, qu'on qualifiera d'incohérent – à quoi servent ces acteurs qui jouent les statues, les témoins, les passants ? –, d'inesthétique – en dehors des magnifiques costumes de Olga Karpinsky, le décor consiste en volumes bruts ou projections insignifiantes – et d’indigent – de l'agitation sans âme, un gag en trois heures dans un chef-d'œuvre réputé pour son esprit de dérision. Heureusement, la direction de Jean-Claude Malgoire, l'exécution de La Grande Ecurie & la Chambre du Roy nous ramènent à un plus haut niveau artistique. Le disque existait déjà chez Dynamic avant le DVD : nous y retournerons avec plaisir et soulagement.

LB