Chroniques

par laurent bergnach

Galina Oustvolskaïa
sonates pour piano

1 DVD WERGO (2015)
MV 0810 5
 Six sonates de Galina Oustvolskaïa par Alexeï Lioubimov et ses élèves

Galina Ivanova Oustvolskaïa (1919-2006) naît et meurt à Saint-Pétersbourg, cette ville un temps appelée Pétrograd (1914-1924), et plus longtemps encore Léningrad (1924-1991). Elle y étudie à l’École professionnelle de musique (1934-1937), puis au Conservatoire (1937-1941 / 1944-1948). Parmi ses professeurs, Chostakovitch la soutient plus d’une fois face à l’hostilité de l’Union des compositeurs soviétiques où elle est admise. En effet, son idéalisme, sa détermination pousse la jeune femme à défendre un style bien à elle, dont l’originalité crispe certains en plein cœur du XXe siècle – incommunicabilité, étroitesse, obstination, disent-ils. À part quelques commandes officielles vite reniées (horrible réalisme socialiste…), ses pièces les plus personnelles ne sont pas jouées dans son pays natal avant 1968, date où la recluse se retire de l’enseignement.

Soucieuse d’esprit religieux, la compositrice ne croit pas qu’on puisse écrire des centaines d’œuvres sans radoter, elle qui n’en laisse qu’une vingtaine, composées entre son bref Concerto pour piano (1946) et sa mort, six décennies plus tard. Au sein d’un catalogue aussi mince, les six Sonates pour piano, conçues entre 1947 et 1988, prennent donc une importance considérable.

Ce concert filmé le 7 mars 2011 à l’École des arts dramatiques de Moscou, leur rend un hommage peu commun en confiant les cinq premières à cinq pianistes nés entre 1983 et 1988, tous élèves d’Alexeï Lioubimov (pour l’occasion producteur) [sur le pianiste, lire notre chronique du 27 avril 2016, notre critique du CD Berg-Ives-Webern et celle de l’album Satie-Stravinsky salué d’une Anaclase! par notre rédaction]. Durant un peu plus d’une heure, une petite salle octogonale à la belle acoustique boisée abrite des pages dont marque l’intégrité. Nettement, une absence quasi complète de développement laisse place à une sorte d’immuabilité commune aux six opus – tout du moins différents par le nombre de leurs mouvements –, à l’image de la vie monacale d’Oustvolskaïa.

Dans la Sonate n°1 (1947), encore teintée de Schönberg et Chostakovitch, on apprécie la robustesse d’Olga Pashchenko, déjà récompensée par de nombreux prix internationaux. Avec nuance, Xenia Semenova aborde la Sonate n°2 (1949), d’abord lyrique puis âpre, qui avance sans répit, infatigable sinon touffue. Respiration et concentration définissent le benjamin de l’équipe, Alexeï Grotz, lequel livre une Sonate n°3 (1952) de belle tenue. Il fallait l’autorité d’Elizaveta Miller – depuis lauréate du concours Musica Antica Bruges – pour rendre avec aisance la dense Sonate n°4 (1957). Malgré quelques accents de tendresse, la Sonate n°5 (1986) demande elle aussi de l’endurance, et Vladimir Ivanov s’en acquitte au mieux. Enfin, il revient à Lioubimov de clore ce récital avec force clusters hargneux, essentiels à rendre une Sonate n°6 (1988) qui s’achève dans une théâtralisation prenante.

LB