Chroniques

par samuel moreau

Fanatique d’opéra
Stefan Zucker à la rencontre des divas des années cinquante

1 DVD Arthaus Musik (2008)
101 813
à la rencontre des divas des années cinquante

Attention, pluie d'étoiles ! Chanteur américain expert en opéra italien, rédacteur au magazine Opera Fanatic puis animant sa propre émission de radio du même nom sur WKCR-FR (une station new-yorkaise), Stefan Zucker nous entraîne dans la patrie de Verdi, à la rencontre des divas des années cinquante. Bien lui en prit, d'ailleurs, puisque quelques-unes nous ont quittés depuis 1998, date du tournage d'un documentaire qui s'inscrit dans la logique de sauvegarde des premiers enregistrements audio et vidéo qui occupe Zucker depuis 1994.

Ces gloires du vérisme, Zucker les a entendues enfant, lorsque sa mère, le soprano Rosina Wolf, partait en tournée. Mais ce n'est pas la nostalgie seule, ni la dévotion qui pousse le fanatique à ces entretiens, mais le souhait d'éclaircir quelques préoccupations, la quête de certains secrets tels la clé de l'expressivité ou le recours à la voix de poitrine. Tandis que le mezzo Fedora Barbieri (née en 1920) déconseille catégoriquement cette dernière, Anita Cerquetti (née en 1931) recommande la compréhension intime du texte – savoir pourquoi, comment et à qui le dire – et Leyla Gencer (né en 1928), l'ambitieuse Diva turque, évoque l'imprégnation du rôle. Pour beaucoup, telle Magda Oliviero, « la technique est la base de tout » : Giulietta Simionato (née en 1910, comme la précédente) s'inquiète de gestion du souffle et de projection autant que de personnalité, Gina Cigna (née en 1900) de respiration, Carla Gavazzi (née en 1913) du sens de la mesure ou encore Iris Adami Corradetti (née en 1903) de la voce infantile. A l'instar de Gigliola Frazzoni et Marcella Pobbe (toutes deux nées en 1927), beaucoup défendirent sur scène Adriana Lecouvreur, mais aussi Il Trovatore, Cavaleria Rusticana et Aïda. Des images d'archives font renaître l'âge d'or de leurs carrières respectives, parfois arrêtées trop tôt pour cause de maladie ou d'accident.

La caméra de Jan Schmidt-Garre suit l'excentrique Zucker jusque dans ses prises de rendez-vous, ne cachant rien des caprices de certaines qui marchandent les conditions de la rencontre. L'amusement laisse place à l'émotion, tant l'on devine en ces corps fatigués l'envie de chanter encore et encore, pour retrouver l'amour irremplaçable du public ou simplement laisser respirer une de ces autres femmes, héroïnes immortelles, gardées en soi depuis des décennies. Un road-movie lyrique qui ne laissera pas indifférent les amoureux de la voix, en cette période de « poupées Barbie sans caractère » !

SM