Chroniques

par pierre-jean tribot

Charles Ives – Maurice Wright
Sonate pour piano n°2 « Concord » – Sonate

1 CD New World Records (1989)
80378-2
Sonate pour piano n°2 « Concord » – Sonate

Le pianiste Marc-André Hamelin s'est imposé comme l'un des artistes les plus intéressants du moment. Ses différents disques pour le label Hyperion sont des références pour leur qualité et le choix des répertoires. Inutile de chercher Schubert ou Beethoven, mais on trouvera : Albéniz, Villa-Lobos, Roslavets, Ornstein, Korngold, Kapustin, Grainger ou Godowski. En 1987-88, l'artiste, alors âgé de vingt-huit ans, enregistrait une série de disques dédiés à la musique américaine pour le label New World Records.

En introduction, Marc-André Hamelin nous propose la Sonate de Maurice Wright (né en 1949). Pur produit du système universitaire américain, ce compositeur, peu connu en dehors des frontières étasuniennes, accumule les postes et les commandes honorifiques. Extrêmement prolifique, il s'intéresse à tous les genres, de l'opéra à la sonate en passant par la musique vocale. Sa brève Sonate de 1982 est bien écrite, la structure est solide et la virtuosité du dernier mouvement frappe l'esprit, mais l'ensemble sonne classique de manière assez impersonnelle : on est quelque part entre Barber et Prokofiev.

La Sonate n°2 « Concord, Mass., 1840-1860 » de Charles Ives est évidement une partition d'un tout autre niveau. Composée entre 1909 et 1915, cette pièce incomparable est le chef-d'œuvre pour piano d'un amateur de génie. D'un contenu philosophique, cette partition en quatre mouvements accumule les expérimentations, ainsi dans le second mouvement, le pianiste doit utiliser une pièce de bois d'une longueur de 14.5 pouces (37.5cm) avec lequel il frappe sur les touches du clavier. Ives marque aussi son admiration pour Beethoven dont il cite le thème de la Symphonie n°5. Cette partition pose de nombreux défis à l'interprète qui doit être capable d'assurer les passages les plus ébouriffants, tout en donnant une unité et un liant à la partition. Notre serviteur est évidement le pianiste de la situation, sachant se montrer souple mais pugnace.

Malheureusement pour ce disque au minutage bien bref, le même Marc-André Hamelin a réalisé un nouvel enregistrement de cette œuvre (couplé avec la Sonate de Barber pour Hyperion). Avec l'expérience et la maturité, il sait habiter les moindres recoins de cette musique et porter la pièce sur des cimes inatteignables. Les amateurs d’Ives peuvent aussi se sustenter avec le disque de Pierre-Laurent Aimard chez Warner. En complément, le pianiste français y propose une sélection de songs du compositeur où la voix de Susan Graham fait merveille. Dans ce contexte, bien qu'intéressant, ce disque ne peut s'imposer, mais il pourra ravir les nombreux admirateurs d’Hamelin dont la discographie n'est pas si pléthorique.

PJT