Chroniques

par michel slama

Camille Saint-Saëns
musique de chambre

1 CD Brilliant Classics (2015)
95165
Entourées d'instruments à vents, la pianiste Akane Makita joue Saint-Saëns

Enfin, un disque entièrement consacré à la musique de chambre de Camille Saint-Saëns (1835-1921) et, pour être plus précis, un florilège d’œuvres rares exaltant les instruments à vents. Le programme proposé par la pianiste japonaise Akane Makita mêle habilement des pièces de la première maturité aux sonates ultimes, testamentaires, du compositeur.

À l’exception de la Romance pour flûte et orchestre en ré bémol majeur Op.37 (1871) et la Sonate pour clarinette et piano en si bémol majeur Op.167 (1921) qui est un must bien connu, ici magistralement interprété, on est heureux de redécouvrir des opus quasiment inédits, parfois étranges, certains contredisant l’académisme prétendu d’un Saint-Saëns à la fin de sa longue vie.

Quoi de plus inattendu que ce Caprice sur des airs danois et russes en fa majeur Op.79, composée en 1887, au sommet de sa gloire, pour la tsarine Maria Feodorovna, épouse d’Alexandre III (née Marie Sophie Frédérique Dagmar de Schleswig-Holstein-Sonderbourg-Glucksbourg, membre de la famille danoise régnante) ? Ses accents bucoliques rappellent ceux d’un Carnaval des animaux (1886) empreint de folklore danois et dont l’humour semble un rien irrévérencieux… La tendre Sonate pour hautbois et piano en ré majeur Op.166 (1921) reste dans le charme d’un style bucolique à la française, Masques et Bergamasques d’un compositeur de quatre-vingt six ans qui, l’année de sa disparition, écrit aussi les deux autres sonates présentes sur cet enregistrement. On y retrouve les influences peut-être involontaires de Franck, Fauré ou Pierné.

La Sonate pour basson et piano en sol majeur Op.168 (1921) est, à ce titre, la plus avant-gardiste, ce qui pourra surprendre un auditeur peu enclin à imaginer ce musicien à l’écoute de ses contemporains. C’est d’ailleurs l’un des intérêts majeurs d’un disque très attachant, à réserver cependant à des oreilles averties.

La Romance pour cor et piano en mi majeur Op.67 (1882) est, malgré sa date de composition, un peu hors du temps par son écriture moderne ; elle séduit par la richesse de la ligne de chant d’un cor particulièrement lyrique.

Rendons hommage à la fine équipe de chambristes italiens réunis autour de la japonaise Akane Makita : Andrea Oliva à la flûte, Francesco Bossone au basson, Stefano Novelli à la clarinette, Francesco Di Rosa à l’hautbois et Alessio Allegrini au cor. La perfection stylistique et virtuose des solistes de l’Accademia di Santa Cecilia de Rome rend ce disque indispensable à l’amateur de musique de chambre française pour vents.

MC