Chroniques

par hervé kœnig

Adelaïde de Place – Abdel Rahman El Bacha
Frédéric Chopin

bleu nuit éditeur (2010) 176 pages
ISBN 978-2-35884-012-5
Adelaïde de Place et Abdel Rahman El Bacha écrivent sur Chopin

Le fallait-il, vraiment ? Cette publication est-elle utile à qui que ce soit, à quoi que ce soit ? Certes, son auteure dispose de faits indéniables, connus par ailleurs, concernant la vie de Chopin, là n'est pas le problème. Aussi le néophyte s'estimera-t-il content d'apprendre, voire de vérifier, les origines lorraines et polonaises du compositeur, ses amours tourmentées avec George Sand, l'évolution catastrophique de ses maux de poitrine, sa mort certaine le 17 octobre 1849, enfin les honneurs qui saluèrent sa route vers l'au-delà. Le format du livre (cent soixante-dix pages) pourrait laisser entendre qu'on y rencontre l'essentiel. À savoir, ces mêmes faits connus de tous, bien sûr, mais aussi une approche précise, éclairée et éclairante de son œuvre et de son parcours d'artiste. Rien de tout ça, malheureusement.

De son sujet, Adelaïde de Place ne dit que les qualités françaises, cocoriquant à qui mieux mieux, allant jusqu'à parler d'héritage génétique (sic) pour tenter d'expliquer le génie (comme si l'on put l'expliquer, d'ailleurs), nous faisant bientôt perdre patience dans de mièvres élucubrations où elle se risque à des interprétations psychologiques ineptes.

Quand on lit que les dissonances sont acceptables dans la musique de Chopin parce qu'elle est de Chopin, quand on constate les contradictions criantes d'un argument avancé trente pages plus tôt, quand on regarde l'auteure en appeler à la beauté, à la jouissance, se complaire dans un poussiéreux passéisme jusqu'à s'extasier sur la chance d'un créateur qui a l'infortune d'habiter un quartier des plus bruyants de Paris (certes, les vieilles images n'offrent pas le son), on ne peut que se poser la question : le fallait-il, vraiment ?

Qui ce livre sert-il ? Pas Chopin, pas le lecteur, pas la musique, pas même l'éditeur, en tout point sérieux quand à ses précédentes publications, mais uniquement l'ego de la dame à le signer et son aura auprès d'interlocuteurs qui se seront sagement gardés de le lire. S'apparentant tour à tour au florilège d'idées reçues, à la leçon de maintien, au traité de morale et à la définition du bon goût, ce Chopin a quelque chose d'une porcelaine du dimanche en province à la fin des années quarante. Sauf si c'est pour bien rire en le lisant à haute voix entre amis, ne vous en polluez pas, surtout.

HK