Chroniques

par laurent bergnach

Éric Lecler
L'opéra symboliste

L'Harmattan (2006) 246 pages
ISBN 2-296-02473-4
L'opéra symboliste, par Éric Lecler

L'apparition du symbolisme – dont le manifeste littéraire date de 1886 – met un terme à la hiérarchie des arts de même qu'à leur condition de simples représentants de la vérité. Sur la scène d'opéra, c'est même une fusion entre musique, littérature et arts plastiques qui est recherchée, au profit d'une modernité réclamant l'effacement de la trame narrative, du personnage psychologique, de la temporalité historique. Même si le mot devient audible – à l'inverse de la déclamation tonitruante du bel canto, et au point de faire du livret une œuvre à part entière –, la suggestion et le mystère règnent désormais. C'est cette période charnière pour la musique lyrique qu'Éric Leclerc détaille dans un essai alliant clarté et densité.

Quelques années plus tôt, en publiant Oper und Drama (1850), Wagner s'éloigne de la tradition (le grand opéra, l'opéra romantique) et réfléchit à la notion de drame musical pour lequel l'allégorie doit remplacer le coup de théâtre et la mise en scène se muer en chorégraphie. Son œuvre évoluant vers l'abstraction en fait ainsi un pionnier de cette esthétique du sublime, de même qu'un guide pour Duparc, Chausson, Sibelius, Bartók, Strauss, Scriabine, Schönberg et, bien sûr, Debussy.

En dépit des protestations d'indépendance, ce dernier est redevable à Parsifal, entendu à Bayreuth en 1889 : avec une déclaration telle que « la musique est faite pour l'inexprimable ; je voudrais qu'elle eût l'air de sortir de l'ombre [...] », on est bien au cœur du mythe wagnérien, avec ses personnages se mouvant dans le monde de la nuit, de l'ignorance des autres et de soi. À son tour, le compositeur participe à la révolution symboliste en privilégiant l'arabesque (motif plus décoratif que dramatique) et les sujets fantastiques (inspirés par sa lecture de Poe), alors qu'outre-Rhin se dessine un nouveau langage, expressionniste celui-là.

LB