Chroniques

par bertrand bolognesi

virtuosité en partage
Brigitte Engerer et Boris Berezovsky

Festival de Radio France et Montpellier / Corum
- 27 juillet 2009
les pianistes Brigitte Engerer et Boris Berezovsky en duo à Montpellier
© anton solomoukha

Après le Concerto Op.23 n°1 de Tchaïkovski qu’il donnait dans le cadre du vingt-cinquième Festival de Radio France et Montpellier Languedoc-Roussillon, à Narbonne le 22 juillet, et ses petits frères Op.44 n°2 et Op.75 n°3 avec lesquels il ouvrait, vendredi dernier, le vingt-neuvième Festival International de Piano de La Roque d’Anthéron [lire notre chronique du 24 juillet 2009], Boris Berezovsky gagne l’estival Corum en compagnie de Brigitte Engerer. Tous deux invitent à une écoute bondissante, pour ainsi dire, puisqu’ils honorent ici la virtuosité, partagée à quatre mains ou à deux pianos.

Programme russe, pour commencer, avec les Danses polovtsiennes extraites de l’opéra d’Alexandre Borodine, Le Prince Igor, jouées dans une transcription pour piano à quatre mains de Nikolaï Sokolov. La dame joue le registre grave du clavier, tandis que Monsieur fait sonner le haut, dans une approche plutôt alerte et nuancée, non dénuée d’une certaine poésie (surtout la deuxièmedanse). Mais attention : voilà que l’épisode III se trouve soudain heurté. Heureusement, le suivant, avec son galop obstiné, bénéficie d’une gestion savamment progressive de l’intensité. Enfin, l’accelerando final flamboie.

La Suite Op.5 n°2 « Fantaisie-tableaux » pour deux pianos de Sergueï Rachmaninov n’est guère flattée par le méchant aigu des deux Steinway. Reconnaissons qu’il est extrêmement difficile de réunir deux pianos qui sonnent idéalement ensemble – sans parler de les accorder au mieux… Toutefois, la Barcarolle introductive paraît terne, voire scolaire, laissant avantageusement la place à La nuit, l’amour, nettement plus inspirée. Une sonorité délicatement réservée vient servir Les larmes, dans une inflexion recueillie d’une gracieuse souplesse. Sans conteste, ce mouvement constituera le plus beau moment de la soirée. Chères au compositeur, pour en imiter, explorer, extrapoler de nombreux aspects à travers ses œuvres, les cloches célèbrent une Pâque russe qui conclut cet opus dans le souvenir de Boris Godounov ; outre la percussivité convoquée dans un formidable halo de pédales, n’aurait-on pu imaginer un travail de couleurs plus fin ?

De ce peu de raffinement témoigne plus encore la seconde partie du concert, avec des interprétations techniquement irréprochables et impressionnantes de Liszt mais, pour tout dire, peu musicales. Aussi garderons-nous à l’oreille Les larmes goûtées une demi-heure plus tôt.

BB