Chroniques

par bertrand bolognesi

une édition dédiée à Krzysztof Penderecki
John Axelrod dirige Sinfonietta Cracovia

Festival International de Colmar / Église Saint Matthieu
- 6 juillet 2003
le chef d'orchestre John Axelrod
© dr

Cette année, le Festival International de Colmar fête le compositeur Krzysztof Penderecki et, avec lui, la musique polonaise. On aura observé, ces derniers mois, un regain d’intérêt pour l’œuvre de Penderecki, avec l’hommage que lui rendit le festival Aspects des musiques d’aujourd’hui à Caen en mars ou la mise en scène de ses Diables de Loudun présentée ces jours-ci à la Semperoper de Dresde. L’événement permet de redécouvrir le parcours souvent sujet à controverse du compositeur d’Anaklasis (1959) – un nom cher à notre jeune média !

Longtemps considéré comme un auteur d’avant-garde, Penderecki se tourne vers une expression « néo-tonale » dans les années quatre-vingt, cette phase de son esthétique coïncidant avec l’écriture de nouvelles grandes fresques catholiques. De là naît une idée reçue tendant à assimiler son nouveau chemin à celui du néo-classicisme balte. C’est une vue un peu courte, si l’on se souvient que les changements de caps en apparence brutaux cachent souvent une discrète continuité que seul le temps permet d’entrevoir. Outre la musique de Penderecki, Colmar fait entendre cet été celles de Grażyna Bacewicz, Henryk Górecki, Witold Lutosławski, Ignacy Paderewski, Karol Szymanowski, Alexandre Tansman, Henryk Wieniawski, Mikołaj Zieleński et, bien sûr, celle de Chopin. Le festival reçoit des artistes polonais, comme cet après-midi l’orchestre Sinfonietta Cracovia. On peut également découvrir Cracovie au Koïfhus (Ancienne Douane) à travers une fort intéressante exposition de photographies d’Adam Boujakaz.

Deux œuvres au programme du jour : le Concerto Grosso de Penderecki et la Symphonie « du Nouveau Monde » de Dvořák. Trois violoncellistes sont convoqués pour la première : David Geringas à l’âpreté sonore déconcertante, Boris Andranov très lyrique mais pas toujours exact, et la fort talentueuse Tatiana Vassilieva. C’est elle qui ouvre la première intervention soliste du Concerto Grosso qu’il conviendrait plus de définir comme concerto pour trio de violoncelles et orchestre, les trois instruments réunis tendant à ne former dans l’écriture qu’une seule entité (oui, le concertino définitionnel du genre évoqué par le titre, peut-être). Dans cet opus qui n’a que deux ans, on entend par endroits certains effets de cloches communs à Kancheli, mais aussi certains traits de l’orchestration de Berlioz que Chostakovitch n’avait pas oubliés de bien écouter. Saluons l’extrême précision des cuivres du Sinfonietta Cracovia. En revanche, la lecture de John Axelrod déçoit par son manque de relief ; une bonne mise en place, sans plus. On se pose la question de la différence éventuelle entre un Andante con moto et un Allegro con brio tant le tout est fondu en un seul dénominateur.

La Symphonie en mi mineur Op.95 n°9 d’Antonín Dvořák bénéficie en ses débits d’une exécution expressive et plus contrastée, avec de réelles nuances, bien que les cordes y soient maladroitement étouffées dans les passages véhéments. Les solos sont particulièrement soignés et l’on saluera le pupitre des bois de l’orchestre de la cité royale polonaise. En revanche, violoncelles et contrebasses atteignent peu souvent la note, ce qui compromet grandement l’ensemble. Déséquilibré, le fortissimo du Scherzo ne laisse guère percevoir grand’ chose C’est le secret du chef que de faire entendre le moindre détail quand tout le monde joue fort… De même regrettera-t-on un Finale que seul le thème de cuivres domine systématiquement (ce qui est oublier que Dvořák écrivit quelque chose en-dessous), si bien que tout en devient affreusement lourd et même un peu vulgaire. Il est à craindre qu’au fil d’une exécution qui commençait plutôt bien, John Axelrod ait cédé au seul spectaculaire, au détriment de la musicalité.

BB