Chroniques

par bruno serrou

un festival qui se conjugue au féminin

Académie-festival des Arcs
- 25 et 26 juillet 2010
Maarit Kytöharju photographie Kaija Saariaho
© maarit kytöharju

Conjuguant la musique au féminin, avec en résidence la compositrice finlandaise Kaija Saariaho (née en 1952), l’édition 2010 de l’Académie-festival des Arcs (Savoie) est foisonnante. Malgré un équilibre financier précaire en raison d’un budget plus serré que jamais qui n’empêche pas Eric Crambes, son directeur, de maintenir farouchement sa politique de gratuité des concerts – en dépit de recommandations contraires qui lui bloquent l’accès à un certain nombre de sources de subsides –, et moyennant un effort considérable des musiciens enseignant à l’Académie aux cent soixante-dix stagiaires et participant à la trentaine de concerts programmés, et en dépit d’un déficit de vacanciers dans les stations, la manifestation attire les foules, au point que certains rendez-vous sont saturés.

Les concerts, tous de musique de chambre, sont l’occasion de rencontres inédites entre musiciens, qui, souvent, inscrivent pour l’occasion de nouvelles œuvres à leur répertoire. Si bien que certains d’entre eux reçoivent des cours de leurs confrères, à l’instar de Xavier Gagnepain qui, tel l’un de ses jeunes élèves, s’est vu prodiguer à sa demande par Anssi Karttunen une leçon d’interprétation d’une pièce pour violoncelle de Saariaho.

En résidence au festival, la compositrice finlandaise a présenté chacune de ses œuvres programmées mises en regard des pages classiques inscrites à tous les concerts, centrés pour l’essentiel sur la création féminine. Parmi ces œuvres, une première mondiale de Saariaho : une version chambriste de Mirage. Originellement pour soprano et orchestre, retravaillée pour soprano, violoncelle et piano, cette partition se fonde sur un texte en anglais écrit par une chamane indienne [lire notre chronique du 13 mars 2008]. Cette pièce dense a été remarquablement interprétée par un trio finlandais : le soprano Pia Freund, la pianiste Tuija Hakkila et Anssi Karttunen, ce dernier magnifiant une sublime partie de violoncelle. En regard de cette création, la violoniste japonaise Ayako Tanaka, le violoncelliste Raphaël Chrétien et le pianiste Jean-Michel Dayez ont donné un excellent Trio de Maurice Ravel. En revanche, proposé dans une version inédite, reconstitution d’une version réputée originale pour deux violons, alto et deux violoncelles réalisée par Anssi Karttunen, le Quintette avec piano en fa mineur Op.34 de Johannes Brahms n’a pas convaincu, les cordes n’ayant ni l’ampleur, ni la résonnance, ni le grave, ni l’assise harmonique du piano. Le plaisir des musiciens à se jouer d’une technique et de sonorités compensatrices de l’absence du clavier, surtout pour le premier violon et le violoncelle, n’a pas été partagé par l’auditoire, malgré les incontestables qualités des interprètes, Akiko Suwanai, Eric Crambes, David Gaillard, Anssi Karttunen et Xavier Gagnepain – ce dernier ayant cependant un peu de mal à surmonter les pièges techniques de sa partie, ce qui a suscité de légers décalages.

Le lendemain, en revanche, le plaisir est partagé avec une œuvre bon enfant de Johann Nepomuk Hummel (1778-1837), le Quintette avec piano en mi bémol majeur Op.87 construit sur le modèle du Quintette « La Truite » de Schubert. Les basses sur-vitaminées de la contrebasse, tenue avec un riche nuancier par Eckhard Rudolph, soliste de l’Ensemble Orchestral de Paris particulièrement attentif à l’expression de ses brillants partenaires, ont joué la fusion avec celles plus cristallines de Richard Schmoucler (violon), Fabrice Lamarre (alto), Florian Frère (violoncelle) et Pascal Godart (piano), tous rayonnants.

L’atmosphère s’avère contrastée avec New Gates, séduisant trio pour flûte, alto et harpe de Saariaho confié à Magali Mosnier, David Gaillard et Isabelle Moretti, concentrés, suivi par la Sonate pour violon et piano de Leoš Janáček toute en nerfs et en puissance sous l’archet de Latica Honda-Rosenberg et les doigts de Tuija Hakkila, tandis que le Quatuor avec piano Op.124 n°2 de la compositrice française Mel Bonis (1858-1928) s’ouvrait dans la séduction pour s’avérer finalement interminable, malgré les sonorités étincelantes exaltées par Ayako Tanaka au violon, le jeune prodige de dix-huit ans Adrien Boisseau à l’alto, Florian Frère au violoncelle, et Jean-Michel Dayez au piano.

BS