Chroniques

par bruno serrou

trois créations mondiales
Ensemble Modern Orchestra

Festival d’Automne à Paris / Salle Pleyel
- 6 novembre 2010
© dr

Remplaçant Pierre Boulez, bloqué à Chicago pour raisons de santé, Péter Eötvös était de retour Salle Pleyel, à la tête, cette fois, de l’Ensemble Modern Orchestra de Francfort, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris. Titré L'Expressionnisme, miroirs et résonances, le programme a mis en perspective deux grandes partitions d’Arnold Schönberg et trois créations mondiales, commandées par la formation allemande et dédiées à Pierre Boulez, signées dans l’ordre d’exécution par le Français Bruno Mantovani (né en 1974), l’Allemand Jens Joneleit (né en 1968) et l’Autrichien Johannes Maria Staud (né en 1974).

Œuvre coup de poing, d’une violence tellurique délivrant une énergie toute primitive, Postludium, du premier, prolonge son opéra Akhmatova, commande de l’Opéra national de Paris qui le créera le 28 mars prochain. Dithyrambes, la pièce du deuxième, est d’une spontanéité rageuse avec ses atours d’improvisation libre aux strates allant se superposant. Mais la partition la plus marquante et la plus novatrice du concert est indubitablement Contrebande (On Comparative Meteorology II) du troisième [photo] qui compose tel un peintre jouant de sa palette savamment élaborée pour tirer des couleurs inouïes. L’instrumentarium est foisonnant, intégrant percussions clavier, peaux et métaux, trompette basse, cor de basset, célesta, piano, bois par trois (4 flûtes) et cuivres par trois (4 cors, 1 tuba) aux cordes, le tout entrant somptueusement en résonance dans un tournoiement de rythmes sans cesse changeant et un nuancier d’intensités d’une diversité infinie. Staud est décidément, à trente-six ans, un très grand créateur.

En regard de cette dernière page, les Fünf Orchesterstücke Op.16 et les Variationen für Orchester Op.31 de Schönberg parurent un peu ternes, bien qu’elles demeurent incontestablement des références à l'écoute des pages de Mantovani et Joneleit. En chef de très grand talent et en compositeur accompli, Péter Eötvös a servi avec conviction et maîtrise ce programme impressionnant, assurant à chacune des créations les conditions d'exécution idéales, d’autant plus avec un orchestre rompu à ce genre d'exercice délicat qu’est la première exécution de partitions audacieuses. Seule infime réserve, un Opus 31 un brin sec et manquant de liant.

BS