Chroniques

par arvid oxenstierna

Trio Catch, Duo GrauSchumacher, Klangforum Wien, Emilio Pomàrico
Mark Andre, Vykintas Baltakas, Franck Bedrossian, Ricardo Eizirik, Ashley Fure

Journées de musique de chambre contemporaine de Witten – épisode 2
Wittener Tage für neue Kammermusik, Witten
- 28 avril 2018
le compositeur Vykintas Baltakas est joué au Festival de Witten (Allemagne)
© emanuel maes

Les Journées de musique de chambre contemporaine de Witten (Wittener Tage für Neue Kammermusik) ont lieu depuis 1969. Chaque année, beaucoup d'œuvres y sont créées, lors de concerts répartis sur un week-end du printemps. Deux sur trois de ces premières sont des commandes du festival, en collaboration avec la ville et le Westdeutscher Rundfunk (WDR) – selon un modèle cousin de celui des Donaueschinger Musiktage de l’automne, avec le Südwestrundfunk (SWR) [lire nos chroniques de l’édition 2017 : épisodes 1, 2, 3, 4, 5 et 6]. Comme le Festival de Donaueschingen, celui de Witten est concentré sur une période extrêmement brève mais intense. Après avoir découvert hier soir quatre nouveaux opus [lire notre chronique de la veille], trois rendez-vous nous attendent en ce dernier samedi d’avril.

D’abord, à 11h le matin, au Märkisches Museum, un portrait de Mark Andre, avec le percussionniste Christian Dierstein, Andreas Mildner à la harpe et le pianiste Nicolas Hodges. Né dans la capitale française en 1964, Mark Andre (d’abord Marc André) fait sa carrière en Allemagne. Il enseigne la composition à Dresde. Après ...22,13... au Festival d’Automne à Paris [lire notre chronique du 28 septembre 2004], son opéra Wunderzaichen fut remarqué à Stuttgart en 2014 (reprise prévue les 13, 17 et 21 mai, puis 3 et 10 juin). Nous entendons l’austère un-fini I (1995), solo pour harpe qui réquisitionne également un tam-tam et une grosse caisse. À partir de 2007, le musicien écrit une série de pièces intitulée iv. Il y sollicite le violoncelle, la clarinette, puis la clarinette contrebasse, etc. Le piano arrive dans ce cycle en 2011 avec les trois mouvements (a, b et c) d’iv 11 qui joue plus dans les cordes que sur le clavier. Le très grand dépouillement de cet univers sonore absorbe l’assistance de façon quasi fervente. S2 (2015) pour percussion partage avec les deux pages ici jouées de favoriser un usage marginal de l’instrument. Fragmentation et percussion définissaient la harpe d’un-fini I, le son feutré et le silence masquaient le piano d’iv 11 et un continuum atypique, obtenu par archets, bols, etc., détourne la percussion de S2. Pour finir, elle retrouve brièvement son caractère deux minutes avant la fin 1.

À 16h, le Trio Catch – Boglárka Pecze (clarinette), Eva Boesch (violoncelle) et Sun-Young Nam (piano) – et le Duo GrauSchumacher s’installent à la Saalbau pour créer deux œuvres nouvelles associant l’électronique en temps réel (SWR Experimentalstudio). Tout d’abord Sandwriting de Vykintas Baltakas [photo] qui encercle l’auditeur dans une spirale de sons auto-déduits se renouvelant sans cesse 2. Un programme informatique a été conçu tout spécialement par le compositeur lituanien afin de structurer la mutation du matériau dans un labyrinthe de formes évolutives. D’origine suédoise, Ricardo Eizirik, est né au Brésil en 1985. Dans ses travaux il se montre très intéressé par la mécanisation de notre société, le quotidien, les « petites choses » avec quoi l’on passe le plus de temps. Nous découvrons obsessive compulsive music, objet étonnant avec lequel Eizirik s’empare des processus et des bruits qui l’entourent, à l’opposé d’un artiste de tour d’ivoire.

Retour à l’Aula de l’École Rudolf Steiner en soirée, pour deux œuvres. La Nord-américaine Ashley Fure se penche sur le phénomène électrique et ses connexions avec la musique. Trois instrumentistes de l’ensemble Klangforum Wien jouent Lightning Flowers pour basson, trompette et contrebasse, une page saturationiste d’environ dix minutes qui s’inscrit dans un catalogue plus vaste intitulé L’encyclopédie des cauchemars. Un ambitieux triptyque lui fait suite, Epigram I-III pour soprano et onze instruments de Franck Bedrossian, sur des poèmes d’Emily Dickinson. L’aventure a commencé le 9 novembre 2010, à Genève, avec la création d’Epigram I par Donatienne Michel-Dansac et l’ensemble Contrechamps sous la direction de Pierre-André Valade, un premier pas qui se poursuivit ici-même, à Witten, le 9 mai 2014 où la même voix chantait Epigram II avec Klangforum Wien et Emilio Pomàrico [lire notre chronique du 20 juin 2014]. C’est ce soir la première du cycle complet par ces interprètes. À un traitement vocal proche de Fausto Romitelli, Bedrossian 3 associe un palimpseste de contrastes. Le résultat est violemment expressif. À suivre…

AO

1 sur la musique de Mark Andre, lire notre chronique du 26 septembre 2007 et
notre critique du CD …auf…

2 sur la musique de Vykintas Baltakas, lire nos chroniques du 5 octobre 2003 et du 22 mars 2009

3 sur la musique de Franck Bedrossian, lire nos chroniques de Transmission,
Twist, Tracés d’ombres, Edges
et Innersonic