Chroniques

par laurent bergnach

The tourist attitud – a tribute to John Cage
spectacle de l’Ensemble Zeitkunst

Goethe-Institut, Paris
- 8 novembre 2012
The tourist attitud – a tribute to John Cage, de l’Ensemble Zeitkunst
© dr

Poésir – les cinq sens de l’écriture s’annonce comme la première édition d’un festival multimédia autour de la poésie, laquelle se déroule du 7 au 11 novembre dans de nombreux centres culturels étrangers (Amérique Latine, République tchèque, Hongrie, Bulgarie, Finlande, etc.), galeries et lieux variés de la capitale – comme la Halle Saint Pierre, ou le New Morning qui accueille notamment la compositrice-pianiste Anahit Simonian en habituée des collaborations [lire notre critique du DVD] et l’écrivain-compositeur Jacques Rebotier (11 novembre). La participation du Goethe-Institut au projet n’a rien d’étonnant si l’on mentionne les nombreuses manifestations poétiques au sein de sa bibliothèque ou encore ce spectacle à venir, Herzzeit, le temps du cœur, qui met en scène la correspondance d’Ingeborg Bachmann et Paul Celan (11 et 12 janvier 2013).

Ce soir, la lecture-performance qui réunit texte, musique, interprétation et arts plastiques permet à des auteurs nés entre 1977 et 1987 de venir réciter de courts textes, soit à tour de rôle, soit dans de rapides saynètes collectives : les Allemands Max Czollek et Johannes CS Franck, le Brésilien Ricardo Domeneck et l’Israélienne Maya Kuperman, pour certains Berlinois d’adoption. Le grain des différentes langues entonnées, comme le rythme de chacun des intervenants, ne dépareille pas avec le côté purement musical de cet hommage à Cage (1912-1992), et nous avons particulièrement goûté les bangs, boys et autres bubbles de Franck, quand il s’adresse à Bella baby.

Des pièces de John Cage alternent donc avec ces récitations.
Dans la pénombre, Radio Music (1956), une œuvre aléatoire à base de fréquences hertziennes, permet aux intervenants tout de blanc vêtus, avec une ampoule sur le front, d’ouvrir le spectacle. In a landscape (1948) fait entendre le piano tendrement délicat de Luiz Gustavo Carvalho et le violoncelle de Julian Arp qui, à partir d’un sifflement triste, va prendre de l’assurance. Avec leur écho de clavecin, les deux premiers des cinq mouvements de Suite for Toy piano (1948) résonnent à l’avant-scène. Sonata I (1946-48) offre des timbres variés (cloche, gamelan) mais nous intéressent moins que Living Room Music (1940), texte emprunté à Gertrude Stein – The world is round destiné aux enfants – qu’accompagnent sifflements et chuintements variés.

À mi-parcours, Caspar Frantz délaisse le piano-jouet pour les trois mouvements d’A Valentine out of season (1944), séparés par des passages de Bella. A love song for war, évoqué plus haut. Le bref Hommage à John Cage (1987/91) signé György Kurtág offre l’écoute d’un violoncelle plaintif, comme égaré. Un autre hommage va suivre : celui de Music for Marcel Duchamp (1947) pour piano préparé, destiné à l’origine au film Dream that Money can buy d’Hans Richter, auquel s’ajoute aujourd’hui une bande-son style ambiance de cocktail. Autre Dream : celui de 1948 qui clôt le spectacle, avec un piano droit et un violoncelle nuancés, et sa lente ascension vers un sommet prometteur.

La charte multimédia ne serait pas remplie sans la présence du graphiste Die.Puntigam qui improvise sur le mur du fond de scène des formes en différentes nuances de gris (rarement en couleurs), qui se superposent et tournent sur elles-mêmes à l’occasion. Il utilise pour cela un Tagtool, outil de son invention qui permet de dessiner avec de la lumière en temps réel, confrontant ainsi le spectateur au plus intime de l’acte créateur. Nous garderons de bons souvenirs de cette soirée mise en scène par Lilly Jäckl.

LB