Chroniques

par irma foletti

The Rake’s Progress | La carrière d’un libertin
opéra d’Igor Stravinsky

Festival d'Aix-en-Provence / Théâtre de l’Archevêché
- 5 juillet 2017
À Aix, Eivind Gullberg Jensen joue The Rake's Progress, opéra de Stravinsky
© pascal victor

Après sa formidable et trépidante Flûte enchantée au Grand Théâtre de Provence [lire notre chronique du 11 juillet 2014] qui reviendra d’ailleurs à Aix en 2018, Simon McBurney marque à nouveau les esprits et les yeux dans The Rake’s Progress d’Igor Stravinsky. Contrairement à Zauberflöte qui avait été accueilli ici quelque temps après sa création à Amsterdam en 2012, il s’agit cette fois de la première du spectacle, donnée à ciel ouvert dans la Cour de l’Archevêché.

Les possibilités techniques y sont vraisemblablement moindres que celles à disposition au GTP, mais le réalisateur britannique fait à nouveau enchaîner à bon rythme des images fortes, tour à tour drôles, poétiques, nostalgiques, dramatiques. Un dispositif scénique de boîte blanche est le support, sur toutes ses faces, de projections vidéo, y compris les séquences filmées en direct sur scène à partir d’un téléphone portable. On passe ainsi de la tranquille campagne anglaise façon William Hogarth à la capitale Londres au XXIesiècle, en circulant, en marche arrière, parmi les taxis noirs et les bus à impériale ! On prend ensuite l’ascenseur dans une tour de la City pour rejoindre la maquerelle Mother Goose dans les étages.Les chanteurs traversent les parois de papier, comme le font un peu plus tard les objets les plus improbables lors de la vente aux enchères. Ou bien ce sont encore quatre bras qui surgissent du sol pour proposer à Tom le moyen de sa mort, corde, pistolet, poison ou couteau, ceci sur fond de cimetière lugubre.

Parmi les protagonistes, c’est le Nick Shadow de Kyle Ketelsen, titulaire à Aix de Leporello et de Figaro des Nozze ces dernières saisons, qui remporte les suffrages, par sa forte présence, son aisance, sa puissance. Le soprano plutôt léger Julia Bullock compose une Anne Trulove d’une grande pureté vocale, mais la précision du registre aigu est par moments perfectible, tandis que le ténor Paul Appleby en Tom Rakewell est agréablement timbré et endurant dans son emploi long et difficile. David Pittsinger (Trulove) est également bien en place, mais Hilary Summers ne délivre pas la projection vocale attendue de la part d’une Mother Goose, et le choix d’un contre-ténor au lieu d’une mezzo pour incarner Baba la Turque – Andrew Watts qui campe une hilarante drag queen – ne convainc pas totalement, ce soir.

Le chœur The English Voices montre un enthousiasme continu à chanter – ensemble ! – et jouer la comédie, comme lorsque certains et certaines, plus ou moins dévêtu(e)s, traversent plusieurs fois le plateau en courant.

Le point faible de la soirée provient toutefois de l’Orchestre de Paris, placé sous la baguette d’Eivind Gullberg Jensen, remplaçant Daniel Harding qui dut renoncer depuis mi-juin à la suite d’une blessure au poignet. Quelques petites imperfections mises à part – en particulier certains passages extrêmement virtuoses au violoncelle solo en limite de justesse –, on aimerait surtout que le chef lâche plus souvent la bride à ses musiciens, afin de recevoir quelques décibels supplémentaires dans les oreilles, des cuivres plus clinquants, des tutti plus volumineux.

IF