Chroniques

par irma foletti

Susanna Mälkki et Clément Mao-Takacs dirigent le LSO
œuvres de Kaija Saariaho, Jean Sibelius et Igor Stravinsky

Stéphane Degout, Patricia Kopatchinskaïa et Beate Mordal
Festival d’Aix-en-Provence / Grand Théâtre de Provence
- 14 juillet 2021
Susanna Mälkki dirige le London Symphony Orchestra à Aix-en-Provence
© vincent beaume

Le London Symphony Orchestra aura apporté une contribution majeure à l’édition 2021 du Festival d’Aix-en-Provence, avec sa présence dans la fosse du Grand Théâtre de Provence pour Tristan et Isolde et pour Innocence, sous les directions musicales respectives de Simon Rattle et de Susanna Mälkki [lire nos chroniques des 2 et 3 juillet 2021]. En plus de ces deux productions lyriques, la formation britannique a également proposé un concert le 7 juillet sous la baguette du premier, la cheffe finlandaise étant ce soir de retour au pupitre qu’elle partage, pour une partie du programme, avec le jeune Clément Mao-Takacs.

Jean Sibelius n’a guère de secret pour Susanna Mälkki, formée dans ses plus jeunes années à l’Académie Sibelius d’Helsinki, et c’est avec un grand naturel qu’elle interprète le poème symphonique Aallottaret Op.73 (Les Océanides), composé en 1914. C’est bien la nature qu’évoque la musique, une ambiance d’abord reposante exprimée par les flûtes et harpes, avant une montée de cuivres qui précède le retour au calme à l’issue de ce morceau d’une dizaine de minutes.

C’est ensuite le chef français Clément Mao-Takacs qui tient la baguette pour le premier morceau de choix du programme, Cinq Reflets de « L'Amour de loin » de Kaija Saariaho, une œuvre créée à l’automne 2002 par Esa-Pekka Salonen à la tête Royal Stockholm Philharmonic Orchestra, in loco, et avec les voix de Taina Piira et de Gerald Finley. D’une bonne trentaine de minutes, elle regroupe cinq passages de L’Amour de loin, opéra créé en 2000 au Salzburger Festspiele [lire notre chronique du DVD] et repris, entre autres, au Théâtre du Châtelet en 2001 [lire notre chronique de la production de Robert Lepage au Festival d’Opéra de Québec]. Les mouvements ne sont pas tirés tels quels de la pièce, ils ont donné lieu à des arrangements ainsi qu’à un ordonnancement différent de l’original. On commence, en effet, par un extrait de l’Acte II avant de passer au IV puis de revenir au II pour conclure sur deux passages du V. Cet ensemble présente toutefois une surprenante cohérence de narration. Dans le premier, Outremer, le soprano Beate Mordal [lire notre chronique d’Ariadne auf Naxos] négocie avec justesse les grands écarts de la partition. Les aigus sont faciles mais le volume parfois limité et le texte n’est pas toujours aisément compréhensible. Tout au long de ces Cinq Reflets, Mao-Takacs dirige d’un geste ample et indique les départs avec précision, pour produire une musique souvent mystérieuse et parfois enivrante.

La présence du baryton Stéphane Degout dans le rôle du troubadour Jaufré Rudel amène une qualité de diction optimale et un supplément de puissance dans la projection, dès le duo du n°2, Songe, mais aussi dans le long monologue qui s’ensuit, intitulé Amour de loin, entre complainte et lamentation – un mélange de style troubadour et d’orchestration du XXIe siècle. Si la mort pouvait attendre, le duo suivant, fait dialoguer le soprano plutôt dans le grave et le baryton davantage dans le registre haut, Jaufré étant aux portes du trépas. Enfin, Beate Mordal fait preuve d’une élocution très appréciable pour le dernier moment, Vers toi qui es si loin, dans un petit volume orchestral, le son s’éteignant en un murmure.

Après l’entracte, Susanna Mälkki conduit la suite du concert, d’abord le Concerto pour violon et orchestre en majeur de Stravinsky, interprété par Patricia Kopatchinskaïa [lire nos chroniques du 13 novembre 2009, du 11 février 2017, des 18 août et 24 octobre 2018, puis du 19 août 2019]. Après avoir assuré ici, il y a quelques jours, le rôle de la narratrice dans le Pierrot lunaire d’Arnold Schönberg, la violoniste d’origine moldave reprend son instrument. Ses attaques sont d’une énergie impressionnante, elle a véritablement le rythme dans la peau, assurant toutes les cassures et tempi endiablés de cette difficile partition. Elle fait preuve, entre autres, d’une folle virtuosité dans le quatrième mouvement, Capriccio. Son visage hyper expressif, ses yeux qui roulent comme des billes et ses mouvements corporels pourraient suggérer que nous tenons là la Cecilia Bartoli du violon. Le bis commence comme du Bach, mais tourne vite à une fougueuse divagation, rejointe en fin de morceau par le premier violon du LSO pour un tourbillon conclusif.

Pour la dernière partie, retour à Sibelius via sa Symphonie en ut majeur Op.105 n°7, un court opus en un mouvement unique d’une vingtaine de minutes. Le London Symphony Orchestra offre, comme tout au long de la soirée, une lecture d’une qualité optimale, les cordes étant absolument remarquable de cohésion et de beauté sonore, dans les ensembles ou par pupitres séparés. Avec Mälkki, Saariaho et Sibelius, la Finlande était évidemment à l’honneur au cours de cette soirée, la compositrice, présente dans la salle, étant applaudie en fin de première partie.

IF