Chroniques

par irma foletti

Stephan MacLeod dirige Gli Angeli Genève
Stabat Mater de Palestrina, Pärt et Pergolesi

création mondiale de Le son qui se lie de Xavier Dayer
Festival d’Ambronay / Abbatiale
- 11 septembre 2021
Trois "Stabat Mater" par Gli Angeli Genève au Festival d’Ambronay 2021
© bertrand pichene

Une soirée idéale pour qui voudrait réviser les paroles du Stabat Mater, puisque trois versions de mise en musique du même texte y sont proposées, en plus d’une courte création mondiale. Pour l’occasion ce sont les musiciens de Gli Angeli Genève qui se produisent pour la première fois au Festival d’Ambronay, leur concert de l’année dernière ayant été reporté en raison de la crise sanitaire. Avant le début du programme, leur chef, la basse Stephan MacLeod, prend la parole pour dédier la soirée au chef d’orchestre, chef de chœur et enseignant suisse Michel Corboz, disparu tout récemment – il fut « un maître, un guide, un inspirateur pour beaucoup d’entre nous ».

La plus ancienne version du Stabat Mater est la partition de Giovanni Pierluigi da Palestrina (1525-1594), conçue pour huit voix a cappella. Divisés en deux groupes égaux répartis à gauche et droite, les choristes font entendre une belle qualité pour chaque pupitre individuel, ainsi qu’une coordination d’ensemble aboutie. Les lignes vocales se succèdent ainsi, parfois avec des recouvrements ; à d’autres moments elles s’enchevêtrent avec élégance. La religiosité de ce court opus d’une dizaine de minutes est prégnante, dans un silence respectueux de la part de l’auditoire.

On fait ensuite un bond temporel de quatre siècles pour écouter la version d’Arvo Pärt (né en 1935) pour soprano, alto, ténor et trio à cordes, créée en 1985. Les musiciens sont placés au plus près du chef, l’ensemble des sept artistes formant un groupe compact. Le contre-ténor Carlos Mena prend la partie d’alto dans un beau style aérien, voire angélique (Cuius animam gementem), alors que le ténor Valerio Contaldo chante confortablement sa ligne qui le sollicite peu dans le plus haut du registre. Le soprano Aleksandra Lewandowska déploie un aigu facile, une voix pure et sonore qui emplit l’espace. Les trois instrumentistes issus du Quatuor Terpsycordes – Girolamo Bottiglieri (Violon), Raya Raytcheva (alto) et Florestan Darbellay (violoncelle) – assurent une exécution techniquement sans failles. Très facile d’écoute, l’œuvre ne révèle guère de grandes surprises : des accents du même dolorisme pour les parties chantée, entrecoupées parfois d’une séquence fort agitée aux cordes, comme de courts interludes instrumentaux. La conclusion est en revanche réussie, la musique des trois instruments s’éteignant doucement, dans un souffle.

En complément des trois Stabat Mater est insérée une création de Xavier Dayer, sur commande spéciale du Festival d’Ambronay au compositeur suisse, né en 1972 [lire nos chroniques de Sonnet XX, Les aveugles et Contes de la lune vague après la pluie]. Cette page succincte (moins de cinq minutes) montre une contemporanéité où l’on croit déceler quelques brefs accents venus de Messiaen ou de Dusapin. Elle reste accessible à la plupart des oreilles. Intitulée Le son qui se lie, elle est interprétée par sept chanteurs, les cordes et l’orgue, son écoute apparaissant intéressante et agréable, sans cependant bouleverser.

Troisième Stabat Mater au menu : celui, le plus connu, de Giovanni Battista Pergolesi, pour soprano, alto et orchestre à cordes (1736). On retrouve le contre-ténor Carlos Mena (alto) dont la voix s’épanouit avec élégance et délié, un peu moins à l’aise sur les passages rapides qui demandent le plus de souplesse et d’abattage. Le soprano Ana Quintans fait son entrée dans le morceau de choix de la soirée, offrant un timbre particulièrement séduisant, projeté avec vigueur sur toute la tessiture et dégageant aussi une émotion perceptible. L’articulation du texte est soignée et la musicalité des deux interprètes toujours maintenue à l’optimum. Les tempi impulsés par MacLeod sont variés, en démarrant d’ailleurs très lentement à l’entame, les musiciens jouant avec franchise et une certaine puissance, sans mettre pour autant en difficulté les solistes capables de se faire entendre sans forcer tout du long. En bis, l’ensemble offre la reprise du vif et court Amen final.

IF