Chroniques

par hervé könig

Sol Gabetta joue le Concerto Op.126 n°2 de Chostakovitch
Orchestre Philharmonique de Radio France, Mikko Franck

Philharmonie, Paris
- 21 avril 2016
terne prestation de Mikko Franck à la tête du Philharmonique de Radio France
© christophe abramowitz | radio france

Depuis novembre 2014, la Maison de la radio possède un superbe auditorium flambant neuf, idéalement situé dans Paris, en bord de Seine, dont l’aspect boisé est tout au service d’une acoustique optimale et d’une esthétique conviviale. C’est toujours la promesse d’une bonne soirée de concert que de s’y rendre, et si certains programmes plaisent moins que d’autres, le lieu n’est pas à mettre en question. On ne peut pas en dire autant de l’endroit où nous nous trouvons ce soir… je m’étonne même que le blockhaus Jean Nouvel ait pu satisfaire l’exécution des Gurrelieder, il y a deux jours, comme l’avance notre collègue [lire notre chronique du 19 avril 2016].

C’est pourtant dans ce « bel écrin », comme disent certaines oreilles bouchées et s’aveuglent autant de regards entre deux petites siestes – le nombre de critiques parisiens qui ne se réveillent qu’entre les mouvements, quand la musique s’arrête, sans hésiter à produire ensuite leurs articles !... –, que l’Orchestre Philharmonique de Radio France vient jouer ce soir, alors qu’il ferait si bon l’entendre chez lui. Cet exil est d’autant plus incompréhensible que l’orchestre national de France, l’autre de nos phalanges radiosymphoniques, donne son concert de la semaine au Théâtre des Champs-Élysées en ce moment-même [lire notre chronique du soir], laissant à la chôme le nouvel auditorium qui ne demande qu’à sonner, ce qu’il fait si parfaitement, lui !

Drôle de programme que celui qu’a décidé Mikko Franck, le « patron » du Philhar’ : Debussy et Sibelius – mettons, oui ; pourquoi pas ? –, avec Chostakovitch au milieu. Bof… Mais des programmes peu cohérents, il y en a beaucoup, alors un de plus un de moins, riende grave. On commence par Prélude à l’après-midi d’un faune (1894) dont l’approche fait bien entendre ce qu’on en attend, à savoir les bois et principalement la flûte solo, magistralement tenue par Magali Mosnier.

Mieux encore, l’interprétation de la Symphonie en mi bémol majeur Op.82 n°5 de Jean Sibelius (1914, révisée en 1919) se révèle nettement plus intéressante. Le Moderato d’ouverture revêt la tonicité souhaitée, malgré le halo quasi-ventriloque occasionné par les volumes de la grande salle. Rien de nouveau depuis qu’on le soulignait l’an dernier : la définition du son demeure ici aqueuse [lire notre chronique du 3 février 2015]. L’Allegro qui suit, toujours dans le premier mouvement, parvient toutefois à s’élever, Mikko Franck fuselant ses ciselures avant un grand savoir-faire. Le Presto de conclusion surprend et séduit. Andante mosso,est annoncé le mouvement central. Au chef finlandais on n’en remontrera pas : il connaît cette œuvre sur le bout des doigts, voilà une évidence qui s’impose dans cette partie lyrique superbement menée. Le Misterioso du final, après l’abord Allegro molto très franc, ne laisse pas indifférent, comme le Largamente qui le prolonge. Les accords marqués qui finissent l’œuvre sont brutaux, alourdis par l’obligation d’attendre que cesse la résonnance avant de livrer le prochain. Il faut donc renvoyer le spectateur gêné par ce différé au problème acoustique de la Philharmonie.

Avant l’entracte, Sol Gabetta vient jouer le Concerto pour violoncelle en sol mineur Op.126 n°2 de Dmitri Chostakovitch, créé par Mstislav Rostropovitch à l’automne 1966, sous la direction du génial Evgueni Svetlanov. La soliste d’origine russo-argentine n’a guère loisir de briller dans cette page noire que l’orchestre joue à côté d’elle mais pas avec elle. Le Largo fonctionne correctement, avec le chant douloureux du violoncelle qui conduit tout, mais la suite n’est pas à la hauteur de ce début. Les contrastes sont capricieusement accusés par Mikko Franck, peu soucieux de l’équilibre global. L’épisode concertant était donc purement dispensable.

HK