Chroniques

par bertrand bolognesi

Schönberg par Eötvös
Orchestre Philharmonique de Radio France

Salle Pleyel, Paris
- 23 janvier 2009
la musique d'Arnold Schönberg mise à l'honneur par les concerts de Radio France
© dr

Nous retrouvons ce soir le compositeur et chef hongrois Péter Eötvös à la tête d’un Orchestre Philharmonique de Radio France assez peu inspiré. Le programme est entièrement consacré à la musique de Schönberg [photo prise lors des leçons qu’il prodiguait à son domicile de Los Angeles] dont nous entendons d’abord deux pages de la maturité, avant de revenir à une œuvre du début, encore largement héritière du romantisme tardif, des orchestres de Brahms et de Mahler.

Conçue en 1929 à Berlin où elle fut créée l’année suivante par Klemperer, la Begleitungsmusik zu einer Lichtspielscene Op.34 concentre en quelques minutes l’art maîtrisé de Schönberg, en parfaite adéquation avec son credo esthétique. Brève, elle en rend plus percutants encore les procédés. Ouverte dans un secret qui va de l’infime en s’amplifiant, avec un soin précis de la dynamique générale comme du détail, l’exécution en parait pourtant manquer de mordant et de contraste. Aucune crudité dans les saillies les plus violentes, aucune stridence, mais, au contraire, une curieuse épaisseur dénuée d’expressivité qui déçoit grandement l’écoute. Certes, Eötvös révèle parfaitement, sans pour autant donner de leçon, le geste de cette page, mais quelque chose ne prend pas.

Le Concerto pour violon Op.36 date des débuts de la période américaine du compositeur, puisqu’il l’écrivit à partir de 1934, comme la Suite pour cordes au classicisme avoué. Jamais Schönberg ne s’approcha d’une démarche néoclassique à proprement parler, mais certaines de ses œuvres sont particulièrement imprégnées d’un souci d’inscription dans l’histoire de la musique, au regard de son passé. On connaît à Brahms, que Schönberg portait en haute estime, des préoccupations comparables, quoique plus radicales. Il demeure trop rare que des solistes de renommée internationale s’illustrant dans des concerti classiques célèbres s’attellent à servir le répertoire de ce soir. Aussi saluera-t-on Hilary Hahn de quitter pour un soir Beethoven, Mendelssohn, Elgar, Mozart ou Spohr pour Schönberg. A-t-on jamais vu violoniste s’engager sans froncer le sourcil dans la difficulté de cette partition-là ? Elle est tout simplement confondante. Elle avance les premiers pas du Poco allegro dans une discrète âpreté de ton. Péter Eötvös la rejoint bientôt, se montrant minutieusement attentif aux équilibres, dans un jeu d’une souveraine élégance. Le mouvement central laisse chanter le violon avec naturel, tandis que l’orchestre s’avère un peu raide, notamment dans des échanges de bois d’une saine fiabilité mais trop droits – arides, en un mot. Le grand développement rythmique rageur qui introduit l’ultime solo puissamment lyrique de l’Allegro gagne une dimension plus intéressante, quoiqu’encore retenue. Le final sera poignant de concision.

Quittons Philadelphie 1940 (création du Concerto Op.36) pour Vienne 1905. Et le miracle survient : aussi terne qu’ait été leur jeu dans la première partie du concert, les musiciens semblent vouloir s’engager plus dans Pelléas et Mélisande Op.5. Si la pâte peine encore à prendre sur le commencement, l’enthousiasme lyrique fort communicatif du chef finit par gagner l’orchestre. Bien qu’on regrettera quelques imprécisions – redoutable unisson de contrebasses, par exemple –, l’exécution sera finalement convaincante, guérie de l’impitoyable fasciation qui frappait le début de la soirée. C’est toujours un grand mystère de constater qu’un orchestre de belle qualité peut n’être pas à la hauteur de son potentiel, car enfin, l’on peut faire beaucoup mieux avec un orchestre moins bon, disons-le.

BB