Chroniques

par gilles charlassier

résidence du compositeur Franck Krawczyk
transcriptions de pages de Bach, Berg, Mendelssohn, Rossini, etc.

Académie Festival des Arcs / Centre Bernard Taillefer, Arc 1800
- 26 juillet 2017

Héritage des projets immobiliers de stations de poudre hivernale, Les Arcs se distinguent de ses homologues par l'engagement culturel inscrit dès les premières années. C'est ainsi qu’une Académie-Festival vit le jour au début des années soixante-dix, qui non seulement accueillit les plus grands noms, dont la liste ne pâlirait guère aux côtés d'un Verbier, mais favorisa la transmission générationnelle, constituant peu à peu une grande famille musicale où les étudiants d'hier sont devenus les professeurs d'aujourd'hui. Et si l'ensemble des concerts sont demeurés gratuits, ce n'est nullement un dévoiement démagogique mais bien une inscription de la manifestation dans un lieu singulier, pour inviter un public parfois plus sportif que mélomane à franchir les portes ouvertes des temples de l'harmonie [lire nos chroniques des 19, 20 et 21 juillet 2004, 24 et 27 juillet 2005, 21 et 22 juillet 2009, enfin des 22, 23 et 26 juillet 2010].

La présente édition s'ordonne autour de la résidence du compositeur Franck Krawczyk, artiste polymorphe qui avait, entre autres, signé la scénographie sonore de Pleine nuit de Christian Boltanski à l'Opéra Comique. Outre une commande du festival, Repetitio, pour voix accompagnée, créée le 24 juillet, qui s'inscrit dans un cycle éponyme initié en 1993 dont sont proposés quatre avatars (respectivement pour violoncelle, cor, harpe et saxophone), la variété des formats et des contraintes s'illustre par l'installation imaginée pour le Téléphérique Vanoise Express le 26 juillet, entre deux appels de cors aux stations et un effectif instrumental en cabine, ou encore avec È Così !, adaptation en une heure vingt de l'opus mozartien presque homonyme. Le reste de la programmation réserve un aperçu très large des transcriptions réalisées par le musicien français.

C'est d'ailleurs sous le signe de cet art subtil que se place le concert du soir. Après l'Ouverture et l'air augural de Figaro du Barbiere di Siviglia de Rossini réduit à quatre mains par un certain Arnold Schönberg (que l'on n'attendrait pas nécessairement dans un tel répertoire) sous les doigts de Romain Descharmes et de David Saudubray, Ruth Rosique livre la lecture des Altenberg Lieder Op.4 de Berg par Krawczyk. Bref recueil initialement écrit pour grand orchestre, le compositeur autrichien avait imaginé une condensation pour en faciliter la diffusion, mais n'a pu achever que le dernier, le violon assumant la ligne vocale. En s'inspirant de la facture de cette ultime pièce réduite, Hier ist Friede, mais tout en conservant le poème chanté, la réécriture a été imaginée pour soprano, violon, violoncelle, clarinette et piano, confiés respectivement à Guillaume Chilemme, Matthieu Lejeune, Sergio Menozzi et Jean-Michel Dayez. Quoique d'une modestie quasi wébernienne, l'effectif ne manque pas de résumer la passion qui affleure dans le Seele, wie bist du schöner, avant l'extase songeuse de Sahst du nach dem Gewitterregen den Wald. Über die Grenzen des Alls poursuit un voyage qui s'achève sur un retour à la solitude, Nichts ist gekommen et Hier ist Friede, sans jamais se départir d'une efficacité expressive admirable qui surmonte les redoutables difficultés de la partition.

Le reste de la soirée fait revenir Romain Descharmes pour la vision que Ferruccio Busoni a légué de la Chaconne de la Partita en ré mineur BWV 1004 n°2 de Bach, avant un tourbillon de pages de Rota où l'accordéon de Bruno Maurice, artisan du spicilège, rejoint le violon de Richard Schmoucler et Xavier Gagnepain au violoncelle, offrant un kaléidoscope du cinématographe transalpin. Enfin, la version pour dix instruments que David Walter a réalisée de la Symphonie en la majeur Op.90 n°4 « Italienne » de Felix Mendelssohn met en avant une belle concertation chambriste où l'on reconnaît, par exemple, le violon nourri de Pierre Fouchenneret.

Un mot, pour finir, sur le concert Bach de l'après-midi à la Chapelle Notre-Dame des Vernettes (Peisey), où se distingue en particulier Yan Levionnois dans la Suite en ré mineur BWV 1008 n°2, magnifiée par un son rond et équilibré et d'une élégance fluide, noble, souveraine – une des grandes figures du violoncelle de la nouvelle génération. De cette dernière, le concert des stagiaires permet de se faire une idée contrasté – on signalera la guitare de Timothy van Ceulebroeck –, mais tel est aussi le jeu d'une académie, non soumise au nivellement de la compétition.

GC