Chroniques

par bertrand bolognesi

récital Winston Choi
Lenot, Ligeti, Stravinsky, Stroppa et Weymouth

Théâtre des Bouffes du nord, Paris
- 7 avril 2008
le pianiste américain Winston Choi joue Jacques Lenot
© dr

C’est dans le cadre des concerts de l’Ircam au Théâtre des Bouffes du Nord que nous retrouvons le jeune pianiste canadien Winston Choi dans un programme intitulé Horloges et nuages, introduit par deux pièces empruntées au vaste corpus pianistique de Jacques Lenot. Car l’onde s’est tue, vingt-et-unième Prélude, bénéficie d’un soin jaloux d’une tendresse de sonorité, gérant savamment le léger crescendo menant d’une section à l’autre. L’ultime suspension du geste rencontre un calme qu’on pourrait dire résigné bien qu’il ne contredit pas la mélancolie générale. L’énergie d’Allegro frenetico, la première des Études de Lenot, bouscule cet espoir de sérénité, brouillant la contemplation en une minute furieuse où courre une angoisse furtive. Une nouvelle fois, Choi sert magnifiquement cette musique.

Il s’engage ensuite dans Contrasti, troisième volet de Traiettoria, conçu il y a plus de vingt ans par Marco Stroppa. La diffusion de la bande magnétique fait goûter l’effet particulier qu’en distille l’acoustique du lieu, équilibrant le rendu jusqu’à ne plus laisser deviner d’où vient le son. Après un premier moment de haut-parleurs, le piano s’impose dans un relief étonnant, révélant les différentes masses d’expression à travers une articulation remarquable et une frappe choisie. Ces événements croisés s’entrelacent dans un ultime épisode où la bande se superpose au piano.

Surprise encore que cet Automne à Varsovie de Ligeti, extrêmement phrasé, et de ces Touches bloquées – nous sommes dans le Livre I des Études du Hongrois– qui, à leur manière, partagent dans les mêmes années des procédés que Stroppa fréquenta dans ses Miniature. En création française, les Metronome Etudes de l’Américain Daniel Weymouth sont données par son dédicataire qui les créait il y a quelques mois. Leur jeu sur l’appréhension du temps, balisé ou brouillé par l’intervention d’un métronome, comme son titre l’indique, demeure relativement anecdotique et d’une facture attendue. C’est avec les Trois mouvements de Petrouchka de Stravinsky que la soirée se conclut, dans une interprétation dérogeant amplement à la mécanique habituelle qui, en déroutant l’écoute, fait réentendre mieux certains traits.

BB