Chroniques

par gérard corneloup

récital Roger Muraro
Debussy, Liszt, Berlioz

Festival Berlioz / Église de La-Côte-Saint-André
- 19 août 2010
Vincent Catala photographie le pianiste Roger Muraro
© vincent catala

À la Côte-Saint-André, les jours et les concerts se suivent sans se ressembler. Autant le concert d’ouverture put laisser bien des mélomanes sur leur faim [lire notre chronique de la veille], autant le récital donné par Roger Muraro, dans le cadre intimiste de l’église paroissiale, ne put que les combler et les rendre heureux.

Audacieusement, trois compositeurs étaient au programme, Hector et Franz ayant fait une petite place entre eux à l’ami Claude. C'est-à-dire Claude Debussy dont le Livre I (1905) des Images suivait deux des Années de pèlerinage de Liszt : La chapelle de Guillaume Tell d’abord, Au bord d’une source ensuite, pièces extraites du premier recueil, Suisse (S.160, publié en 1855, soit vingt ans après que le musicien ait goûté les fameux paysages et impressions évoqués). Non pas « suivait », d’ailleurs, mais plutôt continuait, tant la filiation entre les deux univers, ces deux sources d’inspiration, ces deux volets de l’expression musicale avaient de commun sous les doigts de Roger Muraro.

On ne savait bientôt plus s’il fallait le plus admirer l’architecture sonore bâtie, les élans ou les retenues, les regards de Claude vers Franz où la préexistence du premier chez le second. Le mieux était encore de se laisser emmener dans ses mondes qui se croisaient au point de n’en faire plus qu’un. Émouvant et enivrant.

Cette même unité du récit, doublée d’une incroyable diversité de l’expression, habitait la Symphonie fantastique Op.14 (épisode de la vie d’un artiste) de Berlioz, adaptée pour le piano en 1834 par Liszt – après la découverte qu’il en avait faite le 5 décembre 1830 au Conservatoire de Paris, lors de sa création alors confiée aux bons soins de François-Antoine Habeneck – et discrètement peaufinée par Roger Muraro (qui grava tout récemment sa version chez DECCA), pour les quelques courtes sections manquantes.

Le romantisme français trouvait là une folle expressivité, l’orchestre envahissant bientôt le piano jusqu’à le faire déborder de son cadre, conception à laquelle répondaient adroitement un éventail de sons, une accumulation de notes, d’effets, d’appels, de renvois, d’échos… À chaque instant, le pianiste, avec les remarquables qualités de coloristes qu’on lui connut dans la musique d’Olivier Messiaen (où elles sont indispensables), était le guide adéquat, l’explorateur attentif, intelligent, plongeant corps et âme dans ces univers et y emmenant avec lui d’auditeur subjugué, fasciné. Bref, heureux !

GC