Chroniques

par bertrand bolognesi

récital Mauricio Vallina

Festival de Radio France et de Montpellier / Corum
- 23 juillet 2004
© dr

Il y a des jours avec et des jours sans...
Du pianiste cubain Mauricio Vallina on connaissait jusqu’à présent le meilleur, à savoir un fort beau récital donné à Gaveau et un disque tout à fait honorable paru chez EMI sous la protection de Martha Argerich dont il fut l’élève. Cet après-midi, dans le cadre des Rendez-vous de 18h à la Salle Pasteur du Corum de Montpellier, tout commence plutôt bien par un Prélude, fugue et variation en si mineur Op.18 de César Franck (1864) d’une grande tendresse. L’architecture en est clairement soulignée, la pièce bénéficiant par ailleurs d’un grand raffinement du son, toujours dans un moelleux savamment entretenu. Mais les choses se gâtent dès Humoreske Op.20 de Robert Schumann (1839). Certes, la lecture de Mauricio Vallina repose bien sur les rapides changements d’humeur de cette partition capricieuse, au point d’ériger en principe une quasi incohérence de propos répondant assez à cette sorte de folie du compositeur. On apprécie le relief avec lequel cette déferlante opère. Mais que dire d’une utilisation irréfléchie de la pédale, principalement dans les passages rapides, aujourd’hui la plupart du temps noyés et incompréhensibles ? Que dire également d’un art de la nuance s’aidant assez systématiquement de contrastes tranchés, au prix d’un détimbrage curieux des pianissimi et d’une lourde brutalité des forte ? Tout cela finit par se brouiller complètement, tant dans la perception de l’écriture et de la structure, déjà échevelées dans l’esprit de Schumann, que simplement dans la réalisation de certains traits, trop souvent glissés ou franchement escamotés. Enfin, les chromatismes de la fin s’étalent au fil d’un rubato interminable.

À l’évidence, la musique de Ferenc Liszt lui va nettement mieux.
On retrouve dans la sixième Soirée de Vienne, le première Valse oubliée et la Méphisto Valse n°1,un moelleux fascinant qui fait figure de signature du pianiste. Cependant, les aléas précédemment vécus, pour disparaître dans les premières mesures de ces trois pièces, ne se radicalisent que plus sûrement par la suite. Un marquage inélégant du temps et une façon de séparer chaque phrase – plutôt bien soignée séparément, cela dit – en interrompant fâcheusement la dynamique générale finissent par imposer une lecture disloquée. Même travers pour laMéphisto’ qui ralentit de partout, ne tenant aucune idée, dans un grand débraillé fort navrant. Trop souvent, le son perd tout corps pour ensuite se ruer dans un violent martelage, par le biais de crescendi jamais nourris. Il est à craindre que le Diable d’aujourd’hui soit boiteux et pansu, ne parvenant à suivre sa propre bacchanale...

Ce sont des choses qui arrivent : un artiste est un homme ; à ce titre il est soumis à plusieurs contingences qui parfois parviennent à polluer le concert. Si la déception est grande, gageons que les retrouvailles seront d’autant festives.

BB