Chroniques

par laurent bergnach

récital Marc Mauillon
mélodies de Caplet, Chabrier, Poulenc et Ravel

Opéra Comique, Paris
- 20 décembre 2007
le jeune baryton Marc Mauillon en récital à l'Opéra Comique (Paris)
© laurence deschamps

Inventer l'avenir de l'Opéra Comique, ce « lieu de toutes les confrontations artistiques, des styles et des humeurs, du rapprochement passionnant et fructueux de l'art lyrique et de l'art dramatique », c'est ce que souhaite son nouveau directeur, avec la complicité d'artistes talentueux, des plus jeunes aux plus reconnus. Multipliant les nouvelles productions (L'Étoile, Cadmus et Hermione, Zampa, etc.), Jérôme Deschamps n'oublie pas d'offrir des spectacles plus intimes, telles des rumeurs gravitant autour de ceux du soir, à des horaires originaux permettant d'ouvrir le théâtre à un public différent, sinon plus vaste.

Ainsi retrouvons-nous à l’heure du déjeuner le jeune baryton Marc Mauillon. S'il a chanté les musiques anciennes, ce diplômé du CNSM de Paris (juin 2004) ne néglige pas la musique du XXe siècle et la création – Le Balcon [lire notre chronique du 28 janvier 2005], Rayon des soieries [lire notre chronique du 2 décembre 2006], Robert le Cochon, etc.) –, et c'est dans un opéra de Pascal Dusapin qu'on le retrouvera dans ces mêmes murs, en avril prochain.

Ouvrant et fermant son récital avec Emmanuel Chabrier, compositeur à l'honneur ce mois-ci, le chanteur propose un bestiaire musical divisé en cinq parties : La basse-cour, Les oiseaux, Les insectes, Les animaux marins et Les animaux d'élevage. Convoquant La Fontaine, Trois fables (1919) d'André Caplet captent l'attention des enfants présents, salle Bizet ; quant à lui, l'adulte goûte les subtilités des auteurs choisis par Maurice Ravel (Histoires naturelles, 1906) et Francis Poulenc, au fil des cycles qui s'entrecroisent ici, défendus avec une émission, une souplesse et une diction aisées. D'une sobriété qui sublime le mélancolique Bestiaire (1919), le baryton s'amuse en revanche à incarner dindon débonnaire, pintade acariâtre, corbeau confus, fourmi pimbêche et loup patibulaire. En bis, toujours accompagné par Anne Le Bozec, il évoque également une dame au long cou, que jalouse une carafe...

À vocation didactique, les Confidences proposent de redécouvrir l'opéra français grâce à l'exposition, le colloque ou la lecture. Faisant suite au récital de 13h, voici un petit spectacle qui met en scène Chabrier épistolier. Incarné par Luc-Antoine Diquéro, le compositeur (1841-1894) commence par s'offusquer des lettres pleines d'indiscrétions, de saletés, de calembours obscènes qui pourraient passer à la postérité ! C'est ensuite un tourbillon de bons mots et de piques où, comme on dit, « tout le monde en prend pour son grade » : la musique malade de trop de longueurs et de langueurs, les jeunes maîtres de cinquante ans, l'article de Paris, les mises en scène mastoc et patapouf, etc. Touché par Berlioz et Wagner, le compositeur ne demande pourtant pas grand-chose au monde musical : de la couleur, du tempérament et de la naïveté.

En robes d'époque, la pianiste et chef de chant Cécile Restier, toujours fort nuancée, ainsi que le soprano Nicole Monestier, Madame Chabrier à l'œil pétillant et à la voix chaleureuse, complètent un trio à l'humour vache.

LB