Chroniques

par gilles charlassier

quatre concerti par Iddo Bar-Shaï, David Kadouch,
Abdel Rahman El Bacha et Alexander Ullman

Lille Piano(s) Festival / Nouveau Siècle
- 9 et 10 juin 2018
Alexander Ullman joue le Deuxième Concerto de Liszt à Lille Piano(s) Festival
© kaupo kikkas

Consacré au piano, dans tous ses états et répertoires, le festival lillois n'en oublie pas l'accompagnement. Comme il est de coutume, son fondateur Jean-Claude Casadesus le referme avec une soirée concertante, pour cette édition 2018, non pas avec l'Orchestre national de Lille, dont il vient de laisser les rênes à Alexandre Bloch (septembre 2016), mais avec l'Orchestre de Picardie.

La première partie du programme met à l'honneur le Concerto en sol mineur Op.22 n°2 de Saint-Saëns. Avec son élégante virtuosité, David Kadouch semble avoir trouvé une inspiration à la mesure de son talent. Le solo d'introduction de l'Andante sostenuto augural révèle d'emblée un toucher souple et délié qui restitue la volubilité chantante de la page. Bien mise en place, avec ce qu'il convient de verticalité contrastante, la réponse orchestrale épaule cette lecture toute en finesse qui éclaire les accents intérieurs sans les dramatiser inutilement. Cette sensibilité qu'on peut qualifier de française se confirme dans un Allegro scherzando aérien et chatoyant de douce malice. Adversaire de la pesanteur, Kadouch sait habiter les réminiscences mozartiennes de cette musique raffinée, coquette parfois, mais jamais cabotine. Le chef français a le tact de laisser s'épanouir le soliste et de lui donner la prééminence qu’exige le morceau. Cette primeur pianistique ne se dément aucunement dans le final, un étourdissant Presto assoiffé d'énergie et de modulations délicieuses, ici servies avec un irrésistible instinct stylistique jusqu'à une coda pleine de brio.

Récent vainqueur du Concours Franz Liszt, Alexander Ullman [photo] jette un dévolu attendu sur le Concerto en la majeur n°2 S.125 du compositeur hongrois. Moins frotté à la maturation de l'existence que son prédécesseur de la soirée, le lauréat en reste souvent à une perfection de compétition. Les moyens ne manquent aucunement, mais dans le poème symphonique avec piano affleure le souffle requis sans parvenir à un investissement entier. On espère souvent l'éclosion libre du lyrisme, avant de se résoudre à la police digitale du jeune Britannique.

La veille, l'Orchestre de Picardie était placé sous la baguette de son directeur, Arie van Beek. Si la seconde partie proposait le Concerto en mi mineur Op.11 n°1 de Chopin par Abdel Rahman El Bacha, c'est le Concerto en fa majeur K.459 n°19 de Mozart, sous les doigts d'Iddo Bar-Shaï que l'on retiendra. L'Israélien y fait la démonstration de ses affinités électives avec le classicisme viennois, décanté et généreux à la fois, sans ascétisme aucun – toute l'essence de l'enfant de Salzbourg pépie dans ce jeu au naturel évident.

GC