Chroniques

par bruno serrou

première intégrale des Traces de Martín Matalon
par l’ensemble Sillages

La muse en circuit / Église Saint-Merri, Paris
- 15 octobre 2010
le compositeur argentin Martín Matalon joué par Sillages
© nicolas botti

Le concert de l'ensemble Sillages, donné sous l’égide de La Muse en Circuit et du CDMC dans le cadre des Rendez-vous contemporains de Saint-Merri, est entièrement consacré aux Traces de Martín Matalon, réunies pour la première fois dans un même programme. Véritable « journal intime compositionnel », le cycle de sept pièces pour instruments solistes et électronique live sont à Matalon ce que sont à Berio les Sequenze pour instrument seul : des pièces de virtuosité où sont réunies toutes les possibilités de jeux instrumentaux associées à celles de l'informatique en temps réel, avec d'un côté la fascination envers l’interprète, sa virtuosité, sa présence scénique et de l’autre l’électronique qui démultiplie, transforme, transcende l’espace et les possibilités de l’instrument solo.

Compositeur de grand talent, Matalon est à la fois sorcier du son, inventeur, maître de ses outils (informatique, écriture, jeu, timbres) et doué d'une belle musicalité. Traces I pour violoncelle, fruit d’une commande du CIRM de Nice créé au Printemps des arts de Monaco par Alexis Descharmes, le 4 avril 2004, oppose deux conceptions du temps musical et autant de comportements sonores et de formes. Sous-titré la cabra, commande du Musée du Louvre et de La Muse en Circuit, créé à la Maroquinerie le 6 juin 2005, Traces II pour alto est élaboré autour du principe de multiplicité et de son contraire, l’unicité, de façon parfois inverse, parfois parallèle, qui façonnent l'idée musicale tout au long de la pièce [lire notre chronique de la création, à l'occasion de la projection de Las Hurdes de Buñuel, le 13 mars 2005].

Avec les deux Traces suivants – Traces IV pour marimba, Traces Vl evedad pour clarinette en deux mouvements contrastants, lui-même construit en trois parties – et à leur instar, Traces III pour cor forme un grand Nocturne élaboré en 2006. Dans chacun des volets du triptyque, les échos des deux instruments, dont aucune note n’est pourtant reprise, entrent en résonance avec celui auquel l’œuvre en question est dédiée, tous les traitements électroniques que subira ce dernier étant modélisés par les deux autres instruments.

Également composé en 2006, à la suite d’une commande de Sillages, construit en six mouvements enchaînés, Traces VI pour flûte est sous-titré Multiplicidad, ce qui laisse entendre une idée musicale circonscrite et définie sujette à une série de ramifications qui aboutissent à la formation de structures multiples, bien différenciées et complémentaires. Ecrit en 2008 pour soprano à la demande du même ensemble, Traces VII est constitué d’un prologue, trois mouvements et un épilogue, le tout en forme d’un arc, l’épilogue étant semblable au prologue, mais en moins complexe.

Outre le compositeur argentin, il faut saluer l'équipe de La Muse en Circuit qui a mis tous ses moyens à la réalisation de cet ensemble ambitieux particulièrement réussi, ainsi que les musiciens de Sillages, fondé à Brest en 1992 par Philippe Arrii-Blachette : Séverine Ballon pour Traces I pour violoncelle, Gilles Deliège pour Traces II pour alto, Pierre Remondière, Traces III pour cor, Helene Colombotti, Traces IV pour marimba, Jean-Marc Fessard, Traces V pour clarinette, Sophie Deshayes, Traces VI pour flute, et Donatienne Michel-Dansac, dédicataire de Traces VII pour voix.

BS

Six de ces sept Traces (sans la première) sont disponibles sur un CD Sismal Records (SR005), enregistré par les mêmes interprètes