Chroniques

par laurent bergnach

Platée
comédie lyrique (ballet bouffon) de Jean-Philippe Rameau

Opéra national de Paris / Palais Garnier
- 19 avril 2006
Jean-Paul Fouchécourt est Platée (Rameau) au Palais Garnier
© éric mahoudeau | opéra national de paris

Notre pays a toujours raffolé des fables animalières et moralistes, propres à dire aux puissants ce que beaucoup murmuraient tout bas. Preuve en est l'indécrottable succès de La Fontaine – dont la langue désuète fit souffrir des générations d'écoliers – et le beau succès remporté par le Platée de Jean-Philippe Rameau, dans une production de Laurent Pelly reprise plusieurs fois à Garnier depuis 1999.

Comme l'auteur du Paon se plaignant à Junon s'inspirait d'Esope et de Phèdre, c'est aussi vers l'Antiquité que nous ramène le livret d'Adrien-Joseph Le Valois d'Orville pour l'histoire de cette reine des grenouilles, persuadée de l'amour sincère que lui porte Jupiter, alors qu'elle est l'objet d'une mascarade. Rappelons que cette comédie lyrique, créée le 31 mars 1745 à la Grande Écurie de Versailles, fut écrite à l'occasion du mariage du Dauphin avec l'Infante d'Espagne, et gageons que cette dernière n'a pas goûté comme d'autres le burlesque de cette « opérette à l'ancienne », comme la présentait Gabriel Dussurget, il y a cinquante ans.

L'arrivée des choristes en spectateurs guidés par des ouvreuses demeure un moment rare : rythmé au cordeau, passant du réalisme à l'absurde avec une succession de déplacements, d'enjambements et de reptations, il attire immédiatement l'adhésion d'un public hilare. Passé le prologue qui annonce la farce à venir, la mise en place du marécage de Platée séduit moins, tout comme le troisième acte du mariage, prétexte à des bonds plus qu'à des rebondissements. Le manque de péripéties de l'intrigue se fait malheureusement sentir, bien que compensé par les propositions énergiques et variées de la chorégraphe Laura Scozzi. À bien des égards, le clou du spectacle est l'arrivée de la Folie au deuxième acte, accompagnée d'un cortège de comparses maniaco-dépressifs. Adieu Elvira et Violetta ! Mireille Delunsch sort de sa réserve pour s'amuser avec ce personnage extrême. La voix est évidente, les aigus faciles, même si le timbre paraît toujours frôler le métal.

Évidence également pour Jean-Paul Fouchécourt dans le rôle-titre [photo]. Le chant est bien mené, et un léger grain du timbre convient idéalement à son personnage atypique. Bernard Richter incarne Thespis avec souplesse et fraîcheur, et Yann Beuron Mercure, avec vivacité, chaleur et rondeur. Franck Leguérinel (Momus) s'avère fiable, tant dans la vaillance que dans le jeu. François Lis (Jupiter) est une basse sonore quoiqu’un peu monolithique. François Le Roux (Cythéron), surtout lorsqu’il est en retrait de la scène, paraît souvent fatigué, mais la déclamation est subtile. De même Valérie Gabail, Amour confidentiel tout d'abord, livre-t-elle ensuite une Clarine habitée, au chant cristallin, tout à fait dans le style. Les Chœurs du Louvre-Grenoble, enfin, s'engagent avec ferveur, tant physiquement que vocalement, et sont pour beaucoup dans la dynamisation de l'œuvre. Dommage que Marc Minkowski n'ait pas saisi l'occasion de nuancer plus et que sa direction n'accorde guère de relief à la partition. Au final, un spectacle qui reste sympathique.

LB