Chroniques

par bertrand bolognesi

petits couverts chez Campra
Paul Agnew et William Christie

Opéra Comique, Paris
- 29 janvier 2015
Paul Agnew chante Campra et Couperin à l'Opéra Comique (Paris)
© denis rouvre

Selon la formule désormais consacrée, l’Opéra Comique propose plusieurs rendez-vous autour de la production du moment, en l’occurrence Les fêtes vénitiennes dont nous vous parlions tantôt [lire notre chronique du 26 janvier 2015]. Ainsi retrouve-t-on ce jeudi, à l’heure du déjeuner, William Christie et quelques-uns des membres de ses Arts Florissants qu’il dirige de l’orgue. Avec la haute-contre Paul Agnew, ils donnent, sous le plafond de Maignan, des Petits couverts chez Campra concentrés sur l’art du motet.

Quelques pages instrumentales alternent avec les opus vocaux, toutes empruntées au Second Ordre des Nations de Couperin. Après la tendresse dolente de Gravement, la grande clarté de la voix de Paul Agnew fait merveille dans Audite omnes, avec une assise grave favorisée par les proportions du foyer. Loin de la légèreté de l’opéra-ballet actuellement représenté in loco, le programme s’engage bien plutôt vers un ton sombre, une méditation douloureuse, voire une ferveur funèbre. Les vocalises ascendantes prennent alors un jour quasiment tragique. Une fois tourné ce chapitre par un Vivement à la virevolte rassérénante, Juliette Guignard à la viole de gambe et William Christie au positif accompagnent d’un continuo recueilli le Salve Regina d’André Campra, édité par Ballard en 1695. La caresse de l’aigu porte loin ce lamento dont l’artiste magnifie l’expressivité.

À peine les deux intermèdes instrumentaux viennent-ils consoler l’écoute, l’Affectueusement ne quittant pas le climat général quand Légèrement semble vouloir imprimer quelque mélancolie à son demi-sourire. Deux œuvres de l’Aixois de Versailles concluront ce fort beau concert. D’abord Quemadmodum desiderat cervus ad fontes aquarum, motet assez développé qui, sans s’aventurer vers un paysage musical de réjouissance, ouvre finalement sur un jour moins austère – on est loin, cependant, du brio qu’osait Henry du Mont sur le même texte, confié quelques années plus tôt à plusieurs voix. Enfin Florete prata, frondete lilia (publié en 1699) convoque l’ensemble des musiciens – citons, en sus des noms précédemment évoqués, Catherine Girard et Emmanuel Resche aux violons – pour une dizaine de minutes beaucoup moins arides qui voient se succéder joie contenue et délicate introspection. C’est un portrait d’une sérénité douce que brosse cet ultime épisode du menu, par-delà la vilaine pluie glaçante du dehors qui n’en pourra mais.

BB