Chroniques

par laurent bergnach

Péter Eötvös dirige le Philhar’
Dalbavie, Jarrell et Murail : premières françaises

Maison de Radio France, Paris
- 1er décembre 2006
le compositeur et chef hongrois Péter Eötvös, par István Huszti
© istván huszti

Avec douze compositeurs au programme cette semaine, ces nouvelles Portes Ouvertes à la Maison de Radio France ne trahissent pas leur promesse d’une rencontre avec la création – sorte de prélude aux concerts Présences, du 10 février au 4 mars prochain. Après des œuvres inédites de Fernando Fiszbein, Lucas Fagin ou Stefano Gervasoni, le public découvre trois partitions jouées pour la première fois dans l’hexagone, fruits de créateurs parmi les plus marquants d’aujourd’hui.

Dédié à Emmanuel Pahud qui en fut le créateur à Berlin, le 5 octobre dernier, le Concerto pour flûte et orchestre ouvre la soirée. Après le Concerto pour violon (1996) ou Antiphonie (1999), c’est un nouvel apport de Marc-André Dalbavie au genre concertant et, comme souvent chez lui, la notion de résonance est au centre du travail. Il ne s’agit pas pour le soliste de dominer l’orchestre avec sa virtuosité, mais de faire en sorte que ce dernier s’apparente à un écho, qu’il ne faudrait pas trop distancer. Malheureusement, ce mouvement unique – qui respecte en la voilant à peine la forme canonique vif-lent-vif – n’arrive pas à surprendre. À part un bref passage où la flûte se joint à la harpe, au vibraphone et aux cloches, certains poncifs et quelques préoccupations néoclassiques sont de la fête. Pahud est, certes, efficace et énergique, mais il n’offre aucun travail de couleur, au diapason d’un ouvrage superficiellement brillant, accessoirement dispensable.

Donnée à Genève le 13 octobre dernier, Sillages (Congruences II) pour flûte, hautbois, clarinette et orchestre est la réécriture d’une pièce ancienne (réalisée à l’Ircam en 1988/89) qui intégrait l’électronique. En 1991, Congruences fit l’objet d’une version proche de celle d’aujourd’hui, hormis la présence de la clarinette. Aujourd’hui, la multiplicité des instruments et des timbres permet à Michael Jarrell de retrouver une réverbération et une spatialisation de façon purement acoustique. La tension et l’apprêté de ce quart d’heure qui s’inquiète de la superposition de « figures sonores » présentent un univers réellement personnel, où l’errance, quoique relative, éveille les sens. Faisant presque de l’ombre à ses camarades Emmanuel Pahud et Paul Meyer, le hautboïste François Leleux propose un son qui questionne.

Élève de Messiaen, co-fondateur de l’Ensemble L’Itinéraire, enseignant actuellement à New York, Tristan Murail est particulièrement saluée à l’issue d’une œuvre dédiée à son père et crée à Berlin le 20 mars 2004. En effet, Terres d’ombres (pour grand orchestre et sons électroniques) s’avère un travail tout en subtilité, maîtrise et prises de risques. À la tête de l’Orchestre Philharmonique de Radio France, avec beaucoup de vigueur et de lyrisme, Péter Eötvös profite de chaque possibilité de relief de cette partition, en distillant les voyages internes comme autant de changements de points de vue. Signalons également les tendres interventions du premier violon, Svetlin Roussev.

LB