Chroniques

par bertrand bolognesi

Oswald Sallaberger dirige l’Orchestre de l’Opéra de Rouen
Concerto K.218 de Mozart et Messa di Gloria de Puccini

Opéra de Rouen Haute-Normandie
- 17 juin 2004
le chef allemand Oswald Sallaberger, en poste à l'Opéra de Rouen
© guy vivien

Pour clore sa saison 2004-2005, l’Opéra de Rouen laisse la scène à son Orchestre et à son Chœur, pour un concert qu’ils y donneront deux soirs de suite. Ainsi entendons-nous le Concerto pour violon et orchestre en ré majeur n°4 K.218 que Wolfgang Amadeus Mozart écrivit à l’automne 1775, à Salzbourg. C’est le premier violon de l’Orchestre de l’opéra de Rouen qui tient la partie soliste : l’Australienne Jane Peters étudia l’instrument dès l’âge de sept ans, et se produisit pour la première fois en public trois ans plus tard dans le Concerto de Mendelssohn. Lauréate du prestigieux Concours Tchaïkovski de Moscou en 1986, sa carrière l’a menée dans de nombreuses salles, jusqu’à son engagement à Rouen il y a cinq ans. Ce soir, elle donne une lecture irréprochable du Quatrième concerto, mais étonnement timide. Au pupitre, Oswald Sallaberger s’avère attentif et minutieux, sans finasseries excessives, toutefois, proposant un premier mouvement tonique et joliment équilibré. Pourtant, le violon se fond trop dans l’orchestre, n’assumant pas toujours son rôle de soliste. Dans le solo, on apprécier la sonorité raffinée que Jane Peters obtient de son instrument. L’Andante central se montre plutôt élégant, tandis que l’Allegro ma non troppo final manque nettement de brio. Certes, le son de Jane Peters est charmant, mais délicat : on ne l’entend pas toujours. De fait, l’orchestre est souvent obligé de s’absenter pour ne pas le couvrir, de sorte qu’on obtient une version sans nuances et assez plate, puisque plus de relief reste interdit.

La soirée se poursuit avec la Messa di Gloria composée par un Giacomo Puccini d’à peine vingt ans, en 1880. Oswald Sallaberger introduit le Kyrie avec une saine retenue et une grande clarté. Si le chœur accuse quelques soucis de justesse, des inégalités et des contrastes souvent heurtés, il se produit avec plus de bonheur par la suite. Le Gloria s’ouvre avec légèreté, mais encore sans couleurs pour l’orchestre. Peu à peu, surviennent les nuances, mais le chef ne met pas assez en valeur le jeu contrapuntique entre chœur et cordes. Le ténor Éric Salha fait son entrée dans Gratia agimus tibi qu’il livre d’une émission un rien directionnelle et d’un timbre clair dont on entend qu’il gagnerait à chercher un espace moins restreint. Avec Qui tollis peccata mundi, le chœur s’assoupli, les voix masculines présentent une unité plus satisfaisante. Cette partie bénéficie d’une lecture de plus en plus intéressante, tandis que le chef développe à l’orchestre une sonorité pleine d’esprit. Il joue les accords d’ouverture de Cum Sancto Spiritu avec une certaine intransigeance, amorçant une grande fugue bien réalisée qui favorise la fluidité du chant plutôt qu’un marcato rassurant. Dramatique à souhait, le Credo nous emmène à l’opéra. Le ténor (Et incarnatus est) pousse nerveusement l’aigu au point de le resserrer et de gêner la justesse.

Ex Maria virgine se voit dument servi par le baryton Jean-Luc Ballestra, d’abord un peu tendu, plus calme après trois mesures. Le timbre jouit d’une homogénéité splendide, le chant est nuancé, prend en charge le climat tout en affirmant le sens du texte. Et à l’entendre dans le Benedictus du Sanctus, d’une couleur magnifique de sensualité et de plénitude, on se dit que voilà un artiste qui prendra certainement de plus en plus de place sur la scène lyrique. Nous l’appréciions déjà dans Bohème à Nancy [lire notre chronique du 26 décembre 2002] et tout dernièrement à Nice dans La Vida breve [lire notre chronique du 23 mai 2004] : son talent s’affirme encore un peu plus ici.

Dans l’Agnus Dei, l’orchestre assure un bel équilibre entre les différents pupitres, avec une section de cuivres satisfaisante. Alors que le public fait fête au chœur, la soirée s’achève par une reprise enthousiaste de la fugue finale du Gloria, dans une calme distribution de roses blanches à chaque participant.

BB