Chroniques

par vincent guillemin

Orquestra Sinfônica do Estado de São Paulo
dirigé par Marin Alsop, avec Nelson Freire au piano

Salle Pleyel, Paris
- 7 octobre 2013
Marin Alsop dirige l'Orquestra Sinfônica do Estado de São Paulo à Paris
© dr

L’ouverture du concert de l’Orquestra Sinfônica do Estado de São Paulo a le mérite de proposer une œuvre récente de la jeune Brésilienne Clarice Assad. Composée en 2011, Terra Brasilis (fantasia Sobre o Hino Nacional) dépeint l’histoire de la découverte du Brésil par les Européens et de sa colonisation par les peuples du monde entier. Elle ne renie ni la mélodie ni les thèmes populaires et cite allègrement l’hymne national. Sans aucune prétention à faire découvrir de nouveaux horizons musicaux et pouvant être associée à de la musique de film, cette pièce s’inscrit dans la continuité des musiciens sud-américains, d’un Villa-Lobos ou d’un Ginastera, et son principal avantage est de mettre en valeur les instruments et les couleurs d’un orchestre très équilibré, franc dans les attaques et juste jusque dans les cors, quasiment jamais mis en défaut.

Le début de l’exécution du Concerto pour piano en fa mineur Op.21 n°2 de Chopin déconcerte par l’ampleur du phrasé imposé aux cordes par la cheffe Marin Alsop qui maintient une ligne fluide en ne marquant aucune pause de toute l’introduction, et crée vite un décalage dès l’intervention de la petite harmonie et des cuivres. Nelson Freire – qui connaît bien cet orchestre [lire notre chronique du 29 mars 2007] – ne semble pas en phase avec cette option et montre à de nombreuses reprises des faiblesses digitales. Cette différence de point de vue passe dans le premier mouvement où l’orchestre a une grande place, mais l’Allegro vivace final marque clairement le décalage du discours, la coda n’évoluant pas en habituelle apothéose du clavier mais en prise définitive du pouvoir par le tutti.

En seconde partie, la Symphonie en ré majeur n°1 de Gustav Mahler surprend encore, avant tout grâce à la qualité de l’orchestre. Rarement nous aurons entendu cette page jouée avec tant de netteté et de clarté. Déjà remarqués précédemment, les cors impressionnent par leur justesse, l’ensemble des cuivres ne laissant percevoir que quelques scories bénignes, loin de ce que donnèrent à entendre les orchestres occidentaux ces dernières années. Les cordes boisées s’intègrent parfaitement dans le premier mouvement où la nature ressort de chaque mesure. Il faut toutefois oublier les racines allemandes de l’œuvre pour n’en garder que celles d’Europe de l’Est… mais n’a-t-elle pas été créée à Budapest, après les refus de Leipzig, Vienne et Munich ? Sans chercher de profondeur, Marin Alsop promeut une forte dynamique s’accordant particulièrement bien au second mouvement, tandis que le troisième devient simple danse, d’abord sur la mélodie Bruder Martin puis en valse. Le concept fonctionne si nous n’y cherchons pas l’ironie d’un Bernstein ou la noirceur des derniers Solti et Kondrachine, mais lasse au quatrième épisode où le manque de tension fait perdre la concentration d’une partie du public avant l’explosion finale, où les sept cors se lèvent conformément à la partition, prouvant une dernière fois leur puissance.

En bis, la cheffe nous renvoie au Brésil avec la pièce Pé de Vento du compositeur populaire Edú Lobo, avant qu’en un grand vacarme retentisse le finale du ballet ВолT (Le boulon, 1931) de Dmitri Chostakovitch : le Brésil aime danser, il nous l’aura montré lors de ce concert.

VG