Chroniques

par bertrand bolognesi

Orchestre de Paris dirigé par Gergiev
trois opus d’Alexandre Borodine

Salle Pleyel, Paris
- 4 octobre 2007
le maestro russe Valery Gergiev, photographié par Alberto Venzago
© alberto venzago

À Paris pour Roméo et Juliette de Berlioz qui fait l'objet d'une production dansée, Valery Gergiev passe par Pleyel pour y conduire les musiciens de l'Orchestre de Paris dans un programme entièrement consacré à la musique d'Alexandre Borodine. Cette soirée étant captée par France 3, c'est dans le glacial halo d'une torche blanche et l'aura des caméras que le chef entre en scène.

Sans crier gare, il attaque un Allegro dans une épaisseur qui surprend. C'est celui de la Symphonie en si mineur Op.5 n°2, composée de 1869 à 1876 puis révisée en 1878 (après une création peu appréciée), une œuvre « intégralement et puissamment enracinée dans une identité slave » selon André Lischke (in Borodine, Bleu Nuit). Gergiev parvient à mener un crescendo dans cette approche déjà massive. L'on s'étonne de la vigueur générale à laquelle vient s'opposer une fauve et tendre inflexion des contrebasses, d'ailleurs en excellente santé. Si la tension est vrombissante, la couleur reste soignée. Preste ballet, le Scherzo s'inscrit pourtant dans la même pâte musclée. On goûte l'efficacité des cordes de l'Andante, des traits de bois particulièrement inspirés, laissant bientôt s'élever souterrainement une hymne édifiante où se remarque l'impact avantageusement défini de la harpe (Marie-Pierre Chavaroche). Le Finale bénéficie d'un travail plus évident de la couleur, la conjugaison de la précision et de l'enthousiasme livrant une lecture complexe et convaincante.

La seconde partie du concert ne ressemble guère à son aînée. Si l'on se souvient des représentations du Prince Igor par l'équipe du Théâtre Mariinski avenue Montaigne, en 1996, l'on dira que Gergiev revient à ses amours en dirigeant l'ouverture de cet opéra – ou du moins ce qu'il est convenu de considérer ainsi, partant qu'on ignore si l'on doit cette version à la mémoire de Glazounov ou à sa plume personnelle, quoi qu'il en ait dit. Ici, le chef russe installe sa lecture dans une onctuosité de cordes (malgré quelques imprécisions des violoncelles) qui ne se mire pas trop ostensiblement, sur laquelle se détache l'arabesque de clarinette, joliment réalisée.

Suivent les Danses polovtsiennes que Nikolaï Rimski-Korsakov acheva. Brusquerie, sauvagerie, même, conquièrent un public qui, ce soir, n'est pas très regardant. En fait, l'équilibre est bousculé par une ardeur qui pourrait bien s'apparenter à un « je-m'en-fichisme » volontiers bruyant. Dans cette exécution à gros traits, la scansion l'emporte sur l'élégance, le geste sur le soin. Gardons plutôt le souvenir de la symphonie.

BB