Chroniques

par bertrand bolognesi

Oberon | Obéron
opéra de Carl Maria von Weber

Münchner Opernfestspiele / Prinzregententheater, Munich
- 27 juillet 2017
à Munich, le jeune Nikolaus Habjan signe un brillant et drôle Oberon de Weber
© wilfried hösl

Comment jouer Oberon ? La question n’est pas, comme c’est souvent le cas, comment jouer Oberon de nos jours, mais simplement comment le jouer, tout court. Conçu à partir de l’épopée éponyme de Christoph Wieland publiée à Weimar en 1780 – elle-même inspirée d’une chanson de geste française du XIIe siècle et d’autres sources dont le fameux Midsummer night's dream de Shakespeare –, le livret original anglais de James Planché (plus tard traduit en allemand par Theodor Hell, après la création mondiale de l’ouvrage, à Londres, au printemps 1826) prend des allures de casse-tête, avec ses trop nombreux petits rôles. On peut d’ailleurs penser que Carl Maria von Weber, qui souhaitait réitérer le miracle d’Euryanthe avec un nouvel opéra sans dialogues, fut retardé dans son travail par cette circonstance de taille, au point de devoir renoncer à cet aspect du projet initial et bander ses ultimes forces pour l’achever – tuberculeux, il mourut six semaines après la première. Oberon est une œuvre hybride dont l’argument se confond en des confusions emberlificotées. Et cependant, par-delà cet état dans lequel elle nous parvint (et qui suffit à expliquer sa rareté sur la scène), elle n’en est pas moins soutenue par une partition de toute beauté qu’il vaut la peine de jouer.

Comment faire ? Pour la seconde des nouvelles productions créées dans la cadre de son Münchner Opernfestspiele (en collaboration avec le Theater an der Wien), la Bayerische Staatsoper a recours à Nikolaus Habjan qui, à vingt-neuf ans, signe sa première contribution au genre. Outre l’intervention de ses créatures, dont un immense et démiurgique pantin de super-contrôle, le jeune marionnettiste et metteur en scène autrichien a imaginé d’importer ce conte bancroche dans un laboratoire comportementaliste que le décor de Jakob Brossmann semble vouloir situer au seuil des années soixante. C’est de l’amour que Titania et Oberon doivent analyser les données pour dépasser une querelle supérieure et néanmoins futile. Pour ce faire, une armada de blouses blanches enregistre chaque geste, administre des médicaments, dispose des électrodes et surveille les rêves, jusqu’à l’ultime et violente rébellion des cobayes. L’évocation de l’Orient passe par une imagerie naïve et assumée comme telle qui, du public adulte, fait un enfant excité, pour peu qu’il en accepte le principe. De fait, les éclats de rires ne se font pas attendre.

Dans l’aventure, l’investissement indéfectible des chanteurs conduit une vis comica souvent irrésistible, toujours savoureusement loufoque. À une Titania inflexible, chantée avec précision par Alyona Abramova, répond l’Oberon lumineux de Julian Prégardien, scientifique d’abord assez sage puis savant fou complètement déjanté. Bien qu’un rien tendu dans certains aigus, Brenden Gunnell prête un ténor héroïque à Huon de Bordeaux. On remarque avec avantage Rachel Wilson en Fatime et, surtout, le baryton flatteur de Johannes Kammler en Scherasmin. Mais c’est avant tout l’excellente Annette Dasch qui mène le chant, avec la chaleur du timbre qu’on lui connaît, son émission souple, une inventivité folle et une supérieure autodérision.

Au pupitre du fort efficace Estrachor der Bayerischen Staatsoper, dirigé par Sören Eckoff, et des musiciens du Bayerisches Staatsorchester, on retrouve avec bonheur Ivor Bolton : il cisèle adroitement la lecture, avec une vivacité bien à lui, une légèreté sans cesse à l’affut, main dans la main avec une fosse complice [lire nos chroniques de ses Indes galantes, Alceste, Deidamia, Ercole amante, Liebesverbot, Medea in Corinto et Saul].

BB