Chroniques

par laurent bergnach

Melancholia | Mélancolie
opéra de Georg Friedrich Haas

Opéra national de Paris / Palais Garnier
- 12 juin 2008
Melancholia, opéra de Georg Friedrich Haas en création au Palais Garnier (Paris)
© bernd uhlig | opéra national de paris

Commande de l'Opéra national de Paris, le dernier ouvrage de Georg Friedrich Haas (né en 1953) repose sur un livret de Jon Fosse adapté de la première partie de son roman Melancholia I, lequel s'inspire de la vie du peintre paysagiste Lars Hertervig (1830-1902) – d'origine modeste, cet artiste norvégien souffrait d'une maladie mentale qui l'a tenu à l'écart de la société, n'autorisant qu'une reconnaissance post-mortem. Après avoir mis en musique les tourments d'Adolf Wölfli (1980-81) ou de Friedrich Hölderlin (Nacht, 1996-1998), le compositeur se penche donc sur un créateur auquel de nombreux points communs le rattachent : « Il a été quaker dans un milieu protestant, et moi protestant dans un milieu catholique. Et je sais aussi ce que c'est que de se heurter à l'incompréhension totale des autres étudiants ».

Nous sommes en 1853, à Düsseldorf où Hertervig est venu pour étudier aux Beaux-arts et où il tombe amoureux de la fille de sa logeuse. Il est assis devant une immense toile aussi blanche que son habit, suspendue à des câbles qui la manipuleront, au besoin. Les harmoniques du violoncelle et de la contrebasse livrent un son délicieusement agaçant, au service du malaise ambiant. Aux affres de la création s'ajoutent bientôt les quolibets d'un chœur (Vokalensemble NOVA) qui nie sa capacité à savoir peindre. Le baryton-basse Otto Katzameier incarne l'artiste d’une voix claire, sonore et bien impactée. Tout s'annonce pour le mieux mais, très vite, l'enthousiasme retombe lorsque le metteur en scène Stanislas Nordey illustre une rumination obsessionnelle (option défendable) de mimiques éculées d'artiste maudit. L'arrivée d'une Helene de quinze ans, raide comme une duègne, servie par Melanie Walz dont quelques notes manquent de chair et le timbre de rondeur, n'arrange rien.

Chassé de la chambre avec ses valises, le peintre se rend au Café Malkasten où ce sont cette fois, ses confrères qui se moquent de lui, l'encouragent à boire et lui présentent comme sa fiancée une serveuse vulgaire. L'efficacité coutumière du contreténor Daniel Gloger (Alfred), l'expressivité nuancée du ténor Martyn Hill (Bodom) et un chœur riche en tessitures contribuent à donner du relief à une seconde partie pauvrement mise en scène.

Avec un plateau enfin débarrassé de sa toile-cerf-volant, nous retrouvons le logis des Winckelmann où l'oncle d'Helene – défendu par Johannes Schmidt, basse au chant large et onctueux – sans aucune finesse recouvre la jeune amoureuse du même drap noir que le reste de la famille. Nous buvons jusqu'à la lie ce drame bourgeois avec adieux, retour du chœur et éloignement du peintre vers le fond de scène. Qu'a-t-on fait de l'humour qui sourd parfois de la partition ? Ayant opéré des contrastes discrets à la tête de Klangforum Wien, sublimé nombre d'alliages timbriques originaux, Emilio Pomarico rafle la mise des applaudissements.

LB