Chroniques

par richard letawe

Louis Langrée dirige Concerto Köln
œuvres de Haydn, Kreutzer, Mozart et Vogel

Salle Philharmonique, Liège
- 28 septembre 2007
le chef Louis Langrée dirige Concerto Köln à Liège (photo Benoît Linero)
© benoît linero

Tandis que l’Orchestre Philharmonique Royal de Liège se produit en tournée à Strasbourg, avec Pascal Rophé, son port d'attache accueille l’ancien directeur musical, Louis Langrée, à la tête du Concerto Köln. Lors du récent passage des Agrémens qui proposaient un programme proche de celui-ci [lire notre chronique du 9 septembre 2007], nous déplorions une audience bien maigre. Sans faire le plein (de nombreux sièges de parterre restent vides et les deux galeries du haut sont fermées), l'affluence de ce soir est bien meilleure. Concerto Köln est pourtant l'un des orchestres sur instruments anciens les plus fameux du moment et, toujours fort apprécié à Liège la présence à sa tête de ce chef pouvait suffire à faire le plein. Cette relative désertion, que nous n'avions pas remarquée la saison dernière lors de la première venue de l'ensemble, est-elle due à l'horaire un peu inhabituel du concert ? La gloire de Concerto Köln n'a-t-elle pas atteint les bords de Meuse ? Une partie du public n'a-t-il envie d'entendre que ce qu'il connaît ? Les noms de Johann Christoph Vogel et Rodolphe Kreutzer n’éveillent-ils pas sa curiosité ? La musique de Thamos ne l’intrigue-t-elle pas ?...

Vogel est l'un des très nombreux musiciens du XVIIIe siècle qui quittèrent leur patrie pour chercher une meilleure situation ailleurs. Il naît à Nuremberg en 1756 et meurt à Paris trois ans avant Mozart. L'Ouverture de son opéra Démophon commence par un grand portail solennel, enchaîné à un allegro ardent, typique de la musique Sturm und Drang. Sans être inoubliable, cette page ne manque ni de feu ni d'allure, et constitue un bon début de programme « parisien ». En prélude à la deuxième partie, l'Ouverture de Paul et Virginie de Kreutzer s’avère moins substantielle, contenant un joli motif pastoral qui aurait mérité meilleur développement, ainsi que beaucoup de remplissages. À la niaiserie littéraire répond donc la futilité musicale.

La pièce de résistance réside dans la Symphonie en sol mineur Hob.I/83 « La poule » de Joseph Haydn. Louis Langrée en donne une version véloce, énergique et parfaitement limpide. Les phrasés sont souples, très diversifiés, et les accents minutieusement dosés livrent une gamme étendue de nuances. Le premier mouvement est dense, puissant et tendu, dramatique, d'une netteté de contours assez saisissante. Dans l'Andante, le chef se délecte du jeu des cordes, variant les attaques et accentuant les contrastes dynamiques, au prix d'un certain maniérisme (en fin de mouvement). S'oubliant un peu, il néglige les vents et couvre un magnifique solo de flûte qu’on aurait aimé pouvoir mieux goûter. Il ne commet pas cette erreur dans leTrio auquel il laisse les coudées franches. À l'écoute de l'élégance, du charme et de l'esprit qu’il infléchit à ce troisième mouvement, puis de la fougue et de la verdeur du finale, on soupire d'aise, tant est exposée de manière éclatante le génie du compositeur.

Le concert comprend également des extraits d'Orphée et Eurydice de Gluck (Ouverture, Air des furies et Ballet des ombres), dirigés de façon théâtralement efficace quoiqu’avec parfois un peu de raideur, et les interludes composés par Mozart pour la pièce de Tobias von Gebler, Thamos, König in Ägypten, qui resteront à coup sûr le deuxième temps fort de la soirée. En visionnaire, Langré aborde cette musique sombre dans laquelle le jeune Mozart met une violence inédite, cravachant les rythmes avec audace, soulignant toutes les tensions, toutes les ruptures, tout le pathos. Les tempi sont débridés, l'urgence se révèle inouïe, les angles exacerbés. La force de cette interprétation laisse le commentateur démuni.

RL