Chroniques

par françois cavaillès

Les pêcheurs de perles
opéra de Georges Bizet

Opéra de Limoges
- 26 avril 2018
Bernard Pisani met en scène "Les pêcheurs de perles" de Bizet à Limoges
© éric bloch

« L’antre nacré de Zurga, le dégradé ocre orangé des costumes et le camaïeu bleuté du décor sont les tons dominants de cette conception scénographique flirtant avec le baroque. Ainsi mon rêve commence… Et si ce rêve devenait réalité ! » Si la note d’intention du metteur en scène Bernard Pisani ose beaucoup en finissant par promettre une expérience onirique, le spectacle qui en résulte parvient bel et bien à situer dans le fantastique expérimental Les pêcheurs de perles, œuvre de jeunesse de Bizet au parfum de film de série B de par sa trame moins orientaliste que touristique – l’imaginaire des librettistes (Eugène Cormon et Michel Carré) a d’abord erré du côté du Mexique avant d’opter vite pour Ceylan, en enfilant les clichés exotiques.

En effet, le décor réalisé par Alexandre Heyraud fait sensation en peignant toute la scène, tel Magritte, de quelques splendides couleurs vives, dans des tons principalement bleu et or assez irrésistibles, même avec un goût si prononcé pour l’artifice. Il permet aussi de dépasser l’intrigue (à dormir debout) des trois protagonistes perdus dans l’irréel. Par exemple, dans le grand bleu, si agréable à l’œil, des deux premiers actes, l’attention est captivée par le vaste disque doré en fond de scène pour que, fort remarquablement, s’apparentent aux adorateurs du soleil des cultes primitifs indiens les danseurs qui nous initient à l’aventure déjà promise et racontée mille fois d’un livret carte-postale. Ensuite, selon une évidence esthétique idoine, la lumière de l’étoile est tamisée et prend fort naturellement l’air d’une lune, pour la romance de Nadir.

Afin de compléter l’audace visuelle et la puissance évocatrice des costumes opulents (ainsi les épais turbans portés presque en permanence), chanteurs et musiciens défendent avec soin et vigueur la variété des compositions d’un Bizet déjà habile et original dans son rapport à l’opéra. La baguette de Robert Tuohy assure une direction de l’Orchestre de l’Opéra de Limoges aussi vivante que plaisante, tantôt planante, tantôt stridente. Cette mise en valeur de la large palette créative de Bizet est fort heureusement partagée avec le Chœur maison qui évolue largement entre énergie hystérique, grande douceur et malédiction ravissante (Divin Brahma, Acte I).

Un excellent Nadir est retrouvé en Julien Dran, à l’émission fluide, au jeu naturel et au chant toujours de bon ton – émouvant ténor souple et clair… doublé d’un superbe chasseur de tigres ! Le Zurga du baryton Alexandre Duhamel rivalise de force et explose parfois en colères fort expressives. Sa stupeur finale est également très impressionnante. Enfin, le soprano Hélène Guilmette signe une Leïla au charme singulier, vive et touchante dans son lyrisme plutôt timoré. Les jolies vocalises a capella, en conclusion de l’air de bravoure du II, la cavatine Comme autrefois, dans la nuit sombre, lui valent des salves d’applaudissements qu’avec le public l’on étend volontiers à l’ensemble des participants de cette très valeureuse production.

FC