Chroniques

par bertrand bolognesi

La Resurrezione | La Résurrection
oratorio HWV 47 de Georg Friedrich Händel

Rencontres musicales de Vézelay / Basilique Sainte Marie-Madeleine
- 20 août 2009
Conservé à la Bildergalerie de Potsdam : L’incredulità di tommaso de Caravaggio
© dr | caravaggio, l’incredulità di tommaso (1602)

S’ouvre aujourd’hui la dixième édition des Rencontres musicales de Vézelay, créées l’année des deux cent cinquante ans de Bach par Pierre Cao, chef du chœur Arsys Bourgogne, résidant ici même, à Vézelay. Comme il se devait pour fêter l’événement, un concert anniversaire fut conçu et donné (Collégiale d’Avallon, cet après-midi), présentant un programme d’un aujourd’hui tout proche ou à peine plus lointain – avec, des plus récentes aux anciennes, des pages chorales de Susuki, Vila, Penderecki, Desenclos, Poulenc, Britten, Martin, Williams, Verdi et Rheinberger – dans une configuration toute symbolique puisque les œuvres s’y trouvaient dirigées par dix chefs différents (Léo Warynski, Adelaïde Stroesser, Ernie Rhein, Rodrigo Cardoso Affonso, Maria Benyumova, Armele Ditartre, Gloria Fernandez i Blanco, Nicolas André, Damien Sardet et Masato Susuki), annonçant le chantier qu’on entreprend ici : la réhabilitation des anciens hospices de la colline en une Cité de la Voix, comme on la désigne déjà, qui promet beaucoup et dont nous suivront avec passion l’évolution.

Outre de nombreuses activités dont nous vous parlerons demain, le grand rendez-vous quotidien du festival est, bien sûr, le concert de 21h. Nées avec les commémorations Bach, les Rencontres se poursuivent aujourd’hui avec son contemporain et compatriote Georg Friedrich Händel dont on célèbre le deux-cent-cinquantième anniversaire de la mort. S’il est assez facile de pouvoir entendre Le Messie, les autres oratorios du Caro Sassone demeurent plus rares. Aussi est-il plus précieux encore de pouvoir, comme la possibilité nous en est ici offerte, écouter consécutivement La Resurrezione (1708), Israël en Egypte (1739) et Theodora (1749). Le public se fraiera une idée plus claire dans le parcours händélien, de Rome à Londres, tout en abordant aux rives de grands mythes bibliques.

La Resurrezione, donc, pour commencer.
Nous sommes en 1708, à Rome où le jeune Händel confronte son art à celui, ô combien illustre, des maîtres de l’opéra et de la cantate, au service du marquis Ruspoli qui, pour Pâques, lui commande un oratorio sur la Résurrection du Christ, fournissant un livret de Capece – de Haendel il n’est pas encore question, puisqu’il ne gagnerait Albion que deux ans plus tard. Aussi est-ce bien la facture solistique de la partition que souligne judicieusement Václav Luks à la tête des Collegium et Collegium Vocale 1704 qu’il a créés à Prague en 1991. Les quelques moments de pompe n’atteignent pas l’ampleur des opus futurs, et c’est fort justement que le chef s’attelle à la narration, à l’histoire plus qu’à son climat, dont il accuse vertement les ruptures discursives et l’audace de certaines résolutions. Cette saine vivacité ne fait pas fi d’une sensibilité cultivée, comme en témoigneront de nombreux moments dont l’introduction et l’accompagnement de l’air Per me già di morire (Marie-Madeleine) n’est pas des moindres.

Si la prestation s’avère satisfaisante dans l’ensemble, on regrettera une certaine inégalité des voix. L’Ange de Hana Blazikov manque nettement de stabilité et accuse un timbre paradoxalement aigre pour cette évocation. Sans doute avons-nous à nous débarrasser d’une sorte de préjugé consistant à vouloir entendre dans ces rôles des voix dites, précisément, angéliques.

Timbre charismatique, phonation indéniablement solide, voix lourde qui, du coup, se déplace assez malaisément dans les vocalises, le baryton-basse Tobias Berndt campe un Lucifer honorable. Marianna Rewerski (contralto) offre à Marie-Cléophas une belle homogénéité vocale, un sens dramatique appréciable et un art de la nuance qui convainc. Avec une couleur infiniment claire, une fiabilité sans faille dans les phrases vocalisées et une musicalité raffinée, le Saint Jean d’Eric Stoklossa fait florès – on se souviendra des délices de Così la tortorella, entre autre. Enfin, Katerina Knerikova prête à Marie-Madeleine une voix chaleureuse, colorée, expressive, dans une belle tendresse d’inflexion dont un legato bien mené est l’allié précieux. La réalisation chorale n’est pas en reste, parfaitement intelligible, ce qui n’est pas facile dans l’acoustique de Ste Marie-Madeleine – la Basilique, non le rôle !

BB