Chroniques

par françois cavaillès

La bohème
opéra de Giacomo Puccini

Opéra de Massy
- 11 mars 2018
L'Opéra de Massy reprend avec succès La Bohème (Puccini) de Gilles Bouillon
© didier pepin

Au sortir du rude hiver parisien, voici un dimanche printanier à l’Opéra de Massy où l'on bat le rappel d'une délicieuse Bohème, d'abord apparue à Tours en 2005, puis en 2012. Relativement sobre et sans grande surprise, la mise en scène de Gilles Bouillon fait pourtant rêver les âmes sensibles au drame amoureux de Mimi et Rodolfo, donné dans les décors classiques de Nathalie Holt qui donnent beaucoup à voir, sur toute la largeur de la scène, comme en cinémascope. Plus que par la présence discrète d'un projecteur, disposé à une place différente pour chacun des quatre tableaux, la référence au septième art tient surtout aux lumières subtiles de Marc Delamézière, en demi-jour, qui nimbent légèrement les visages sans rien cacher de personnages clairs et nets dans leurs costumes actuels, signés Marc Anselmi – on se souvient une autre incursion dans le monde du cinéma, par Jean-Claude Berutti [lire notre chronique du 26 décembre 2002].

D'entrée de jeu, dès que crépite le poêle de la mansarde, on remarque la synchronisation parfaite entre scène et fosse où règne l'orchestre maison dirigé par Dominique Rouits, son fondateur. On parvient même à l'idéal musical conçu avec génie et pertinence dramatique par le maestro de Lucca, lors du deuxième tableau représentant le tourbillon de la veille de Noël au café Momus. Grâce à l'excellente Maîtrise des Hauts-de-Seine et, surtout, aux irréprochables forces choristes conjointes de l'Opéra de Metz et de l'Opéra de Massy, le public est tenu en grand éveil pour saisir les traits lyriques tirés par les protagonistes. C'est la grande évasion spectaculaire, large et profonde, dans l'action démultipliée en ces quelques instants irrésistibles.

Les types comiques sont remarquablement incarnés par les quatre acolytes du Quartier Latin. Le Marcello du baryton Giulio Mastrototaro est à retenir pour son amertume assez puissante [lire nos chroniques du 18 février 2011 et du 4 février 2014]. Le musicien Schaunard paraît clair et expressif tel que tenu par le baryton Hugo Laporte. Quant au philosophe Colline, il bénéficie du timbre original, à la fois fondant et rocailleux, de la basse Iouri Kissin [lire nos chroniques d’Ariane et Barbe-Bleue, A midsummer night's dream, Tosca, Pelléas et Mélisande et Khovantchina, entre autres]. Encore plus exposé, parfois jusqu'au trop dramatique, Rodolfo séduit par le chant chaleureux du ténor Davide Giusti [lire notre chronique du 5 février 2015].

Les rôles féminins confirment une nouvelle fois des talents de deux jeunes soprani français déjà reconnus. Applaudie dans la même œuvre en début de saison [lire notre chronique du 29 septembre 2017], Gabrielle Philiponet réussit tout particulièrement les humeurs comiques de Musetta, tout en faisant montre d'un charmant timbre brisé au temps de la valse. Enfin, Fabienne Conrad fait très forte impression, à repousser les limites de l'intensité habituellement contenue en Mimi. Grave et émue aux airs les plus déchirants (Acte III), la cantatrice bourguignonne garde un charme simple et une vitalité rayonnante sans manquer d'élever son art vers de nouveaux sommets, délectables et largement applaudis. Une diva en devenir, à suivre prochainement en Norma [lire nos chroniques de Cinq-Mars et des Contes d’Hoffmann].

FC