Chroniques

par bruno serrou

l’ONF des mauvais jours

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
- 3 février 2011

Il est des concerts qui laissent pantois. Cet automne, nous nous félicitions d’un remarquable concert de David Zinman dirigeant l’Orchestre de Paris [lire notre chronique du 17 novembre 2010]. Nous ne sommes habituellement guère avares d’éloges envers l’Orchestre National de France, par ailleurs…

Cette fois, il faut écrire notre déconvenue, tant la fusion est loin d’avoir été faite entre le chef étatsunien et la première phalange de Radio France. Disons-le tout de suite, la direction de David Zinman s’est avérée énergique et nuancée, tandis que la présence du violoniste Thomas Zehetmair était pour le moins prometteuse à interpréter deux œuvres beaucoup plus difficile qu’on veut bien le dire.

Et c’est précisément dès ces deux partitions pour violon et orchestre que Mozart composa à Salzbourg – l’élégant Rondo en si bémol majeur K.261 (269a) de 1775-1777 sans doute écrit pour Antonio Brunetti comme ossia au finale originel (Presto) du premier des cinq concerti pour violon (K.207), et le Concerto en la majeur « à la turque » K.219 de décembre 1775 – que le bât blesse : d’un archet incroyablement lourd sur la corde, Zehetmair les jouait de façon étonnamment soporifique, dans des sonorités grasses.

Pourtant, le court et téméraire bis Souvenirs Tremaesque, arrangement réalisé en 2001 pour alto solo tiré de COncErto ? Certo! cOn solipEr tutti (... perduti ?...)pour orchestre (2000-2001)que le compositeur suisse Heinz Holliger a dédié à Zehetmair permit au public de retrouver l’immense artiste qu’il est. Donnée en création française, cette pièce d’un peu plus de trois minutes, allusion à une autre pour alto seul, Trema de 1981, est enjouée, plaisante à écouter, difficile à jouer, exploitant les modes de jeu exotiques (col legno, sul ponticello, etc.) et l’atonalité.

En seconde partie de programme, le poème symphonique Also sprach Zarathustra Op.30 de Richard Strauss a ravivé de lointains mauvais souvenirs que l’on croyait à jamais éteints d’un Orchestre National de France des pires jours : attaques aléatoires, cafouillages, sonorités rêches, absence de cohésion, ensembles embrouillés... Cela commençait dès les appels de trompettes fortississimo de l’introduction et ne s’est terminé qu’une fois l’ultime mesure pianississimo exposée. Seul le premier violon solo a joué avec chaleur et luminosité la somptueuse partie que lui réserve la partition. Zinman eut beau s’escrimer à motiver ses troupes, rien n'y fit. Dire que le 29 octobre dernier, sous la direction du jeune Estonien Andris Nelsons, l’Orchestre de Paris s’était montré si onctueux et homogène dans cette même œuvre. Reste à espérer que David Zinman vienne à Paris la saison prochaine avec son magnifique Orchestre de la Tonhalle de Zurich.

BS