Chroniques

par bruno serrou

l’héritage boulézien
ensemble Court-circuit

Festival Messiaen au Pays de la Meije / Église de La Grave
- 2 août 2010
le compositeur Philippe Hurel photographié par Nicolas Botti
© nicolas botti

Fondé et animé par le compositeur Philippe Hurel [photo], Court-circuit est l’un des ensembles dédiés à la musique contemporaine favoris de Pierre Boulez, qu’il aime inviter dans ses académies, aux côtés de l’Ensemble Intercontemporain auquel il fait parfois des infidélités en dirigeant son jeune pair. Attachée au Festival Messiaen au Pays de la Meije, la formation a proposé en l’Église de La Grave un programme conçu autour de l’héritage boulézien, le maître assistant en personne au concert, discrètement installé au milieu du public. Programme exigeant, désemparant plus ou moins l’assistance qui ne s’y retrouvait guère, plus habitué aux immenses phrases mélodiques et rythmiques d’Olivier Messiaen qu’aux éclaboussures de sons et de rythmes des générations plus jeunes.

Composé en 1985, révisé en 1995, le trio pour clarinette, violon et piano Impulse 2 de Luca Francesconi (né en 1956) étire à satiété la matière sonore par le biais de règles strictes qui donnent à l’œuvre une dynamique interne singulière. Dans sa Danse aveugle (1997) pour flûte, clarinette, violon, violoncelle et piano, remarquablement écrite, Hanspeter Kyburz (né en 1960) s’avère trop systématique dans l’utilisation d’un matériau qui revient à plusieurs reprises, exposé sous la même forme, tandis que l’on n’entend guère la flûte basse dont les douces et irréelles sonorités sont écrasées par les autres instruments.

Le référent que constituent les Quatre Pièces Op.7 qu’Anton Webern (1883-1945) a composées en 1910 apparaît toujours d’une magistrale modernité, tout en ayant acquis avec le temps la dimension d’un classique et une intense et bouleversante expressivité, à l’instar du Michigan Trio pour clarinette, violon et flûte, sans doute l’une des œuvres les plus profondes et graves de Philippe Manoury (né en 1952), assurément l’un des compositeurs les plus doués de sa génération.

Mais le moment le plus attendu se trouvait en fin du concert, avec une partition aux rythmes fébriles qui emporta l’adhésion de l’assistance : Figures libres pour flûte, hautbois, clarinette, violon, alto, violoncelle, percussion et piano de Philippe Hurel (né en 1955). Composée en 2000-2001 pour l’Ensemble Recherche de Fribourg-en-Brisgau, cette partition en trois mouvements se fonde sur une cellule de huit sons sujette à variations d’où émergent des solos des huit instruments s’extrayant d’une masse servant d’assise harmonique et rythmique qui évoque des figures de jazz.

L’Ensemble Court-circuit et les virtuoses qui le constituent ont servi ces œuvres à la perfection, à l’instar du violoniste Nicolas Miribel dont la dextérité, l’assurance du coup d’archet et les sonorités épanouies ont fait merveille, tout comme le pianiste Jean-Marie Cottet qui joue des résonances de son instrument avec maestria et le clarinettiste Pierre Dutrieu. Sous la battue de son directeur musical Jean Deroyer, la formation a donné des deux partitions les plus fournies – le quintette de Kyburz et l’octuor de Hurel – des lectures taillées au cordeau.

BS