Chroniques

par isabelle stibbe

L’amant jaloux
opéra d’André Grétry

Opéra Comique, Paris
- 17 mars 2010
© pierre grobois

« Si Gluck, si Piccini sont là, tu éviteras de frayer avec eux, et tu ne noueras pas d’amitié non plus avec Grétry ». Voilà ce qu’écrivait le prudent Léopold Mozart à son fils en février 1778 peu avant son arrivée à Paris, enjoignant bien au jeune compositeur de ne pas prendre parti dans la bataille des gluckistes et des piccinistes. Partisan du premier, Grétry en est pourtant musicalement très différent. Sa musique volontiers « légère » souffre aujourd’hui d’un préjugé négatif propre aux Français pour tout ce qui n’est pas sérieux. Jérémie Rhorer n’est pas de ceux-là. Séduit par son œuvre, le jeune chef se bat pour réhabiliter le compositeur français.

Créée en novembre 2009 à l’Opéra de Versailles, cette coproduction avec l’Opéra Comique aura sans doute fait découvrir à beaucoup un musicien méconnu malgré son influence sur Mozart. Sans doute est-ce son fardeau : comme Salieri, Grétry pâtit d’être contemporain du génial compositeur. Ses idées musicales, même inspirées, sont condamnées à être comparées à son désavantage.

Passons sur l’invraisemblance du livret (celui de Così n’est pas plus crédible) relatant les amours de Léonore pour Don Alonze, noble désargenté affreusement jaloux (d’où le titre) et d’Isabelle pour Florival, jeune officier français, avec habituels quiproquos, coups de théâtre et petite morale finale : « ne soyez jamais volages, ne soyez jamais jaloux ». Doué d’un certain savoir-faire théâtral, Grétry réussit à insuffler à l’ouvrage, composé en 1778, un esprit pétillant très bien rendu par Le Cercle de l’Harmonie. Malgré des cuivres à la justesse approximative, l’ensemble de Jérémie Rhorer sait rendre justice à cette musique typique de la fin du dix-huitième siècle qu’il comprend, s’il on peut dire, à demie-note.

La jeune distribution est au diapason : si aucune voix ne se démarque véritablement, l’homogénéité du plateau est assurée. Comme d’habitude, Magali Léger (Léonore) surjoue un peu mais elle entraîne le spectateur par la fraîcheur de sa voix et son allant. Daphné Touchais (Isabelle) et Maryline Fallot (Jacinthe) ne déméritent ni dans le style, ni dans l’articulation. Côté messieurs, on apprécie tout particulièrement la ligne vocale de Frédéric Antoun (Florival), parfaitement à l’aise dans ce répertoire.

La mise en scène est sans prétention. Pierre-Emmanuel Rousseau a cherché à instaurer une esthétique fin dix-huitième, très premier degré, au moyen de costumes d’époque et de toiles peintes représentant une bibliothèque (Acte I), une chambre (Acte II), un pavillon de jardin (Acte III). Peu de surprises, mais cela suffit malgré tout à passer une charmante soirée.

IS