Chroniques

par nicolas munck

l’électronique dans l’œuvre de Berio
table-ronde de Francesco Giomi et Michele Tadini

Invenzione Festival Berio / CNSMD de Lyon
- 2 décembre 2013
table-ronde Francesco Giomi et Michele Tadini : Luciano Berio et l'électronique
© co broerse

Fruit d’un partenariat renouvelé avec Suona Italiano (festival de promotion et de diffusion de la musique italienne sur le sol français) et confirmation de projets fédérateurs avec l’Institut Culturel Italien et l’Opéra national, l’Invenzione Festival Berio proposé par le Conservatoire de Lyon (CNSMD) commémore le dixième anniversaire de la mort du compositeur. Cette programmation met en lumière les forces vives et l’implication de l’établissement dans le champ de la musique contemporaine – comme déjà constaté cet été lors de la seizième édition du Festival Messiaen au Pays de La Meije [lire notre chronique du 1er août 2013].

Faisant une large place au répertoire électroacoustique et mixte du compositeur (dimension importante s’il en est), l’Invenzione Festival Berio est également l’occasion de créer un partenariat actif avec le centre de recherche Tempo Reale, fondé en 1987 par Berio à Florence et spécialisé dans le domaine des nouvelles technologies appliquées à la composition. Clairement intitulé L’électronique dans l’œuvre de Berio, le concert d’ouverture porte à la scène cette nouvelle et fructueuse collaboration. Afin de rendre compte de cette relation intime entre le musicien et son environnement technologique, la soirée est introduite par une brève conférence (table-ronde informelle) dans laquelle la parole est donnée à tour de rôle à Francesco Giomi (actuel directeur de Tempo Reale et professeur au Conservatoire de Bologne) et Michele Tadini (ancien codirecteur du même centre et professeur de composition électroacoustique au CNSMD). La discussion est modérée par Jocelyn Debart, étudiant du département de culture musicale.

Après une brève présentation de Tempo Reale, des pièces programmées et de l’itinéraire électronique de Luciano Berio depuis le Studio di Fonologia de la RAI (Milan) jusqu’au studio florentin, le contenu des échanges s’oriente plus spécifiquement vers des questions de fond : exploitation de dispositifs, spatialisation et problématiques engendrées par les musiques mixtes et électroacoustiques. Michele Tadini insiste particulièrement sur l’attitude singulière du compositeur vis-à-vis de l’électronique dans son ultime période créatrice. Sans qu’on puisse parler d’une forme de « nostalgie de la bande magnétique », son approche révèle une nette dissociation avec la technologie de son temps. La voyait-il comme une rupture avec ce qui relève de l’humain ? Un dommage collatéral de son « rêve électronique » ?

Confirmant cette position, Francesco Giomi dresse ensuite une « typologie Berio » des fonctions de l’électronique en temps réel (live electronics). Soulignant nettement son attachement à l’aspect organique de la source acoustique, le compositeur présente l’environnement technologique comme devant toujours servir la musique, être mobile, s’adapter à la pensée musicale (y compris dans différents espaces), répondre à une « écoute analytique », garantir une homogénéité entre acoustique et électronique (amplification, accumulation) et assurer une continuité temporelle. L’utopie est bien de tendre vers une flexibilité de l’électronique de laquelle le problème technique est exclu.

Cette petite heure d’avant-propos se termine par une plongée dans le « son électronique Berio » via la diffusion d’un document filmique rare et quasi inédit : I colori della Luce (1963), film du designer Bruno Munari et du réalisateur Marcello Piccardo (Studio di Monte Olimpino) sur une musique de Luciano Berio [disponible sur les sites MunArt et YouTube]. Point culminant du travail au studio milanais, cet extrait offre un parfait prélude au concert [lire notre chronique du jour].

NM