Chroniques

par bertrand bolognesi

Klaus Florian Vogt, ténor
Jobst Schneiderat, piano

Brahms, Kálmán, Lehár, Mozart, Schubert et Wagner
Festival Castell Peralada / Església del Carme
- 31 juillet 2015
le ténor allemand Klaus Florian Vogt en récital au Festival de Peralada 2015
© uwe arens | sony

Depuis une certaine représentation, chère en notre mémoire, d’Andrea Chénier de Giordano, un an est passé durant lequel nous manqua le Festival Castell Peralada [lire notre chronique du 26 juillet 2014]. Nous retrouvons aujourd’hui l’Église des Carmes pour un récital de l’Heldentenor Klaus Florian Vogt, distribué en deux parties ouvertes en Liederabend puis déclinée en airs d’opéra pour la première, en pot-pourri d’opérettes austro-hongroises quant à la seconde.

À apprécier souvent sur la scène lyrique ses attaques de velours et l’inflexion remarquablement aérienne de son phrasé, l’on avait pensé l’artiste à son avantage dans le Lied. C’était aller vite, ce que nous apprennent les six pages réunies à ce programme. À la régularité lapidaire du piano de Jobst Schneiderat, obsessionnelle dans Das Wandern, répond la légèreté toute personnelle de ce timbre clair, dans une conduite qui cependant semble un rien trop lâche. La ligne s’en trouve déstabilisée dans Halt!, ce que ne masque pas l’acoustique généreuse de l’édifice. Pourtant, l’exquise tendresse du chant séduit, indéniablement. L’exactitude de l’intonation est au rendez-vous pour Am Feierabend, de même qu’une intention dramatique toujours très précise. Ces quatre extraits de Die schöne Müllerin de Franz Schubert se concluent avec la neuvième mélodie, Des Müllers Blumen, servie par un legato superbe, délicatement posé sur un souffle qui paraît alors inépuisable. La ritournelle se déroule tout naturellement, comme une pelote oubliée, dans une dynamique des plus soyeuses. Autre temps, autre esthétique : avec Johannes Brahms, Vogt offre à l’auditoire une suavité évidente, en marche vers Strauss et les viennoiseries suivantes. Dès l’introduction, le pianiste colore Sonntag où il s’engage plus cordialement, ce que confirme l’élégante ciselure ménagée à Da unten im Tale, aimablement respiré, quoique plus rapide qu’à l’accoutumé. Ces deux Lieder vont comme un gant à Klaus Florian Vogt : il se révèle lumineux dans Dimanche, livrant un Dans la vallée confiant, d’une nuance égale, heureuse.

Dit « léger » parce que ne visant rien autre que le divertissement, le répertoire développé par les Hongrois Emmerich Kálmán et Ferenc Lehár dans les années vingt – ici Gräfin Mariza (1924), Das Land des Lächelns (1923), Der Zarewitsch (1927) et Friederike (1928) – ne souffre guère l’absence de ses cordes sucrées, la réduction pianistique en limitant drastiquement le moelleux caractéristique. Sans les violons, le charme n’opère pas, ce qui est aussi le cas pour la chanson du film de Richard Oswald, Ein Lied geht um die Welt (1933), écrite par Hans May, chantée dans un tempo trop ferme.

Passons donc à l’épisode opératique de la soirée, avec l’aria de Tamino (Die Zauberflöte), Dies Bildnis ist bezaubernd, d’une pureté indicible ! Distribué désormais dans des rôles plus lourds, principalement wagnériens [lire nos chroniques du 8 juin et du 12 mars 2013, ainsi que du 14 septembre 2010], le ténor allemand chante de plus en plus rarement Mozart – la dernière fois doit remonter à Tito, à l’Opéra national de Paris, il y a près de cinq ans [lire notre chronique du 10 septembre 2011]. La facilité de l’émission vocale fait ici merveille. Wagner, donc, et le plaisir de le retrouver dans des incarnations marquante. C’est tout en souplesse qu’il commence Winterstürme extrait de Die Walküre [lire notre chronique du 31 août 2013], affirmant peu à peu un impact de plus en plus robuste. Quant au récit de Lohengrin, In fernem Land, dans lequel on l’a si souvent applaudi [lire nos critiques DVD des productions Lehnhoff et Neuenfels, ainsi que notre chronique du 14 août 2011], il constitue sans conteste la clé de voûte de ce concert, toute de douceur – bravo !

BB