Chroniques

par bertrand bolognesi

King’s Consort, Robert King
l’âge d’or de la musique sacré romantique anglaise

Contrepoints 62 / Notre-Dame des Miracles, Saint-Omer
- 20 septembre 2013
le King’s Consort au festival Contrepoints 62 : musique anglaise sacrée !
© yannick cadart

Inaugurer sa nouvelle édition par un programme de musique sacrée romantique anglaise garantit assez évidemment au festival Contrepoints 62 une ouverture des plus festives. À Saint-Omer, en la vaste cathédrale Notre-Dame des Miracles retentissent quelques-unes des hymnes favorites de la couronne britannique pour ses cérémonies qu’on qualifiera de « gothiques » pour l’occasion (qu’On nous pardonne).

De quel romantisme s’agit-il, parlant de la voisine d’en face (la côte n’est pas loin) ? D’un romantisme si tardif qu’on pourrait le considérer d’emblée comme un néoromantisme, au fond, qui apparaît à la fin du XIXe siècle, lorsque de ce côté-ci du Pas atlantique le symbolisme investit peu à peu de ses mystères l’inspiration mais aussi la manière des musiciens. Mais surtout d’un romantisme « populaire », pour ainsi dire, en ce qu’il garnissait les offices anglicans, fonction que nombre de ses productions assure toujours au sein de l’Église.

Ainsi du Magnificat et Nunc dimittis Op.12 de l’Irlandais Charles Stanford – le père de presque tous les compositeurs au menu, puisqu’il fut leur maître au Royal College of Music – qui, en des fléchissements à peine velouté d’une sensualité déguisée, verse Franck et Mendelssohn dans le sévère moule victorien, non sans une élégance cossue. On goûtera ses Three latin motets Op.38, conçus entre 1887 et 1890, lors de la seconde partie de la soirée, partition chorale d’un grand raffinement, imaginée en quasi sonate vocale, riche d’imitations savantes.

À partir du cet aîné à la verve généreuse, Robert King et son King’s Consort Choir emmène un public curieux dans l’atelier des générations qui s’ensuivirent. À commencer par celui de l’organiste John Ireland – il est Anglais, ne vous fiez pas au patronyme –, avec Greater love hath no man, motet à la tendresse toute fauréenne. Et la pompeuse Marche héroïque d’Herbert Brewer d’ensuite vrombir de ses fastes un rien goualeurs comme une improbable procession « de mauvaise vie » sur un Pall Mall à souhaiter désert (qu’On nous pardonne encore). Let all mortal flesh keep silence replace salutairement l’écoute dans une ferveur moins débraillée, à travers des audaces harmoniques dont Edward Bairstow – encore un organiste ! mais qui ne l’est pas, ici ?... – parsème d’une lumière remarquable cet a cappella raffiné. De Doc’H – ainsi le surnommaient les jeunes gosiers du Choir of St George's Chapel de Windsor qu’il dirigea de 1933 à 1961 ; nous parlons de William Harris –, l’anthem Faire is the Heaven de 1925 réchauffe d’un enthousiasme souriant jusqu’au marbre des chapelles latérales, dissimulant leurs anges dans l’automne.

Un pas de vingt ans est alors fait, pour le Magnificat « Collegium Regale » d’Herbert Howells – avec Rebecca Clarke et Ernest Moeran, il est l’un des derniers élèves de Stanford –, composé pour les voix du Choir of St John's College de Cambridge. La deuxième partie du concert est introduite par sa prière infiniment recueillie et ténue, Like as the hart desireth the waterbrooks (qui emprunte au Psaume 42), écrite en janvier 1941, sous les bombes incendiaires du Blitz de Londres – parenté d’inspiration avec les Three Psalms d’Imogen Holst, couchés sur le papier dans le même contexte [lire notre critique du CD] ?... C’est sans conteste le plus beau moment de ce premier rendez-vous du festival 2013.

Le motet And I saw a new Heaven d’Edgar Bainton n’en efface pas la profonde impression, et moins encore l’autant plat que ronflant Tuba Tune de Norman Cocker (n’aurait-il pas été plus sage de programmer la Fantaisie de Percy Whitlock, for instance ?). Vraisemblablement la seule page de la soirée à être un peu connue dans nos contrées, A hymn to St Cecilia Op.27 de Benjamin Britten séduit immanquablement. Assurément les fanfares organistiques indiquent l’arrivée de la Reine… mais non, le célèbre I was glad de Charles Parry laisse le Chœur tout à sa joie solitaire. La familiarité viscérale des artistes du King’s Consort Choir avec ces pages, le cœur mis à l’ouvrage par l’organiste Iain Farrington, signent l’événement.

BB