Chroniques

par bertrand bolognesi

Iván Fischer dirige l’Orchestre Festival Budapest
Wesendonck Lieder par Petra Lang

Salle Pleyel, Paris
- 9 janvier 2010
le chef hongrois Iván Fischer photographié par Marco Borggreve
© marco borggreve

C’est un Wagner fort calmement respiré qu’impose Iván Fischer en ouverture de soirée. Tendrement articulé, Siegfried Idyll bénéficie des cordes exquisément moelleuses de l’Orchestre Festival Budapest, livrant une interprétation sagement dépourvue de tout élan dramatique. En ciselant très précisément un relief recueilli à la partition qu’il inscrit dans un ambitus de nuances assez restreint, le chef hongrois fuit prudemment tout effet de masse, faisant redécouvrir l’œuvre dans ce qu’elle possède de plus délicat.

Cette tendance chambriste se retrouve dans les Wesendonck Lieder, une option à laquelle répond idéalement l’expressivité contenue du grand mezzo Petra Lang. Si le début de Der Engel souffre d’un bas-médium légèrement instable, l’intelligence du texte comme l’élégance qui mène l’aigu emportent vite l’adhésion. Plutôt que de déployer narcissiquement une voix qu’elle possède énorme, la chanteuse use de ses moyens dans la couleur. Fischer engage Stehe still dans une inhabituelle mobilité de tempo, parfaitement probante, sur laquelle Petra Lang laisse s’exprimer toute sa richesse de timbre. Une inflexion tendre et dangereuse régit ensuite Im Treibhaus, mené bientôt vers une troublante extase. Cependant, une affectation un rien maniérée de l’orchestre vient surligner les délices de Schmerzen, une maladresse partagée par l’ultime Träume, superbement aérien, en revanche, pour ce qui concerne la voix.

Quelle surprise, en seconde partie, que d’entendre d’ursine façon Petrouchka !
À ce Stravinsky que l’on goûte plutôt dans sa clarté qu’en ses brumes, on découvre ici une lourdeur assez mafflue dont les avantages certains sont une surprenante rondeur de la sonorité générale, une accusation musclée des contrastes de tempi, un souffle profond (qu’on pourrait qualifier d’épique) dans lequel les tutti se déchaînent avec la sauvagerie du Sacre. Cette fête russe oublie le théâtre pour s’épaissir dans le rite, les contrebasses sonnant alors comme autant de cloches majestueuses. Pour inhabituelle qu’elle soit, une telle option de lecture – où, d’ailleurs, chaque détail de l’écriture demeure étonnamment perceptible – se défend. À situer à l’exact opposé d’un Boulez, par exemple !

BB