Chroniques

par bertrand bolognesi

Israel in Egypt | Israël en Égypte
oratorio HWV 54 de Georg Friedrich Händel

Les Grands Concerts Sacrés / Église Saint Roch, Paris
- 4 novembre 2005

On comprend mal aujourd'hui le peu de succès que rencontra Israel in Egypt, l'un des premiers oratorios anglais d'Händel, inaugurant une production qui marquerait une sorte de seconde vie dans la carrière du Saxon. Sans doute la place donnée au chœur, ici personnage principal, aura-t-elle déconcerté le public de la création, à Londres le 4 avril 1739. Il y avait certes de quoi, puisqu'à de rares interventions solistes s'oppose une narration presqu'intégralement confiée à la masse chorale, ce qui n'était guère de coutume.

Les Grands Concerts Sacrés accueillent ce soir Paul Dombrecht en l'Église Saint Roch pour une version plutôt satisfaisante de cet oratorio HWV 54, marquée dès l'abord par un Prélude d'un grand recueillement à l'accentuation discrète où les attaques se devinent dans un dessin subtil, parvenant à l'extinction raffinée d'un pianississimo aux confins du silence. Au fil de l'exécution, on remarque la grande souplesse d'articulation des musiciens d’Il Fondamento, certains accompagnements toniques, jamais débridés toutefois, et un flux toujours entretenu du discours musical, servi par un ambitus restreint et précieux de la dynamique.

Dombrecht affirme une ascèse intéressante dans The righteous shall be had, retenant toute velléité d'éclat quoiqu’entretenant une réelle élégance de ton, grâce notamment à une fluidité bienvenue des cordes. Dans d'autres passages, les bois séduisent par des soli irréprochables. Avec une première partie – The ways of Zion do mourn – délicatement nuancée, un Exodus franchement dramatique et un dernier épisode – Moses' song – volubile et heureux, cette lecture transporte le public dans une histoire biblique magnifiée, mise à portée de la main par de nombreux figuralismes (écriture en imitation obsessionnelle de II|14, comme le travail esclavagiste évoqué, écriture effervescente des cordes pour décrire les insectes dans II|18, etc.).

Le Chœur de Chambre de Namur offre l'avantage d'un pupitre de basses très assuré (vocalise ascendante fluides de He gave them hailstones for rain), mais manque parfois d'homogénéité. Ainsi, les sopranis'avèrent-ils assez insipides, tandis que la coloration discrètement expressive des ténors se trouve parfois entravée par des soucis de justesse. Si l'on déplore l'excès caricatural de théâtralité accordé à But the waters overwhelmed their enemies (II|26) et la maladroite lourdeur de They shall receive a glorious kingdom (I|11), on gardera un souvenir ému de Their bodies are buried in peace (I|9), sur un fil fragile représentant une véritable prise de risque.

Dans les rares et brefs passages solistes, on goûte le timbre rond à l'aigu cependant un peu fermé de Caroline Weynants, l'instabilité déconcertante du chant du contre-ténor Clint Van der Linden qui s'embrouille systématiquement dans les vocalises ascendantes et accuse un soutien paresseux à en laisser chuter chaque note tenue. Le duo The Lord is a man of war bénéficie du mariage heureux de deux qualités différentes de basses, Marcus Niedermeyr qui possède un haut-médium et un aigu avantageusement cuivrés pour un grave plutôt absent, tandis que Hubert Claessens prodigue un grave nourri, un timbre chaleureux et égal sur l'ensemble de la tessiture, un legato somptueusement conduit et un excellent travail de nuances et d'expressivité, malgré un aigu difficile et parfois raide.

Si le soprano Anne Cambier est assez terne dans The Lord is my strength and my song (III|31), elle libère une vocalité plus épanouie dans Thou didst blow with the wind (III|41) et brille dans les appels finaux de la dernière section. Enfin, la prestation de James Oxley, ténor au timbre clair, à la projection évidente, à la vocalise facile, emporte les suffrages. L'artiste éclaire magnifiquement les récitatifs tout en menant parfaitement le flux de l'aria avec une expressivité remarquable.

BB