Chroniques

par isabelle stibbe

Impempe Yomlingo | La flûte enchantée
spectacle de la compagnie Isango Portobello

Théâtre du Châtelet, Paris
- 17 octobre 2009
Impempe Yomlingo, de la compagnie Isango Portobello, d'après Mozart
© marie-noëlle robert

On attendait avec beaucoup de curiosité cette seconde Flûte enchantée au Théâtre du Châtelet. Après la version très classique de Jean-Paul Scarpitta [lire notre chronique du 1er octobre 2009], voilà une version sud-africaine proposée par Isango Portobello, une jeune troupe du Cap. Rebaptisé Impempe Yomlingo, comment l'ultime opéra de Mozart allait-il passer l'épreuve des marimbas ? Grâce à Marjo Dornford-May à la mise en scène, à Mandisi Dyantyis à la direction, on est surpris de répondre : étonnamment bien.

Côté musical, l'orchestration revisitée est jouée par des percussions africaines. Si l'on est parfois frustré de perdre toute la palette instrumentale de Mozart, ce sentiment n'est qu'épisodique et cède bien plus souvent la place à l'enthousiasme devant le tour de force des adaptateurs. La prédominance des percussions accentue la rythmique de La Flûte enchantée originelle, soulignant la contemporanéité de l'œuvre. On ne soupçonnait pas forcément le swing contenu dans la musique du XVIIIe siècle. Et pourtant… Parfois, ce sont les chœurs qui font office d'instruments d'accompagnement. On n'est pas loin de trouver qu'il s'agit des passages les plus réussis. Ainsi de l'entrée de Papageno précédée d'un chœur de femmes (des oiseaux) ou de la très émouvante ouverture du deuxième acte, chantée bouche fermée par des hommes. On apprécie également le chœur des trois esprits (les jeunes garçons dans le livret original) façon chœur black jazzy au moment où Tamino pénètre dans le temple de Sarastro.

Côté dramaturgique, le livret, même adapté en anglais et xhosa (langue d'Afrique australe), tient la route, prouvant s'il en était besoin l'universalité de La Flûte enchantée. À croire qu'il faut la lecture et l'interprétation de cultures moins familières que celle de l'Europe, berceau originaire de l'opéra, pour renouveler la mise en scène d'opéras vus et revus. On pense au sud-américain Omar Porras et sa version très réussie de La Flûte [lire notre chronique du 21 décembre 2007]. Outre la fraîcheur qui ressort d’Impempe Yomlingo, on est frappé par deux choses. D'une part, les adaptateurs ont lu très attentivement le livret et soulignent des faits auxquels on ne prête plus forcément attention. D'autre part, le rite initiatique auquel sont soumis Tamino et Pamina s'incarne particulièrement bien dans cette production, peut-être parce que la figure du sage (Sarastro) et du conseil de sages (les prêtres) a aujourd'hui plus de résonnance spirituelle et sociale en Afrique qu'en Europe. Pour couronner le tout, le programme nous apprend que la flûte est considérée comme un instrument magique dans la culture tsonga où elle empêche les destructions causée par les orages… Mozart africain sans le savoir ?!!

Côté interprétation, les voix ne sont pas de tout premier ordre, mais l'important est ailleurs. À l'exception d'une Reine de la nuit catastrophique dont les stridences et les suraigus systématiquement faux écorchent douloureusement l'oreille, l'important réside dans la fraîcheur des interprètes et leur implication totale : chant, danse, jeu, ils se montrent artistes complets. Sincérité et fraîcheur ont conquis le public, comme le prouvent les nombreux et longs applaudissements de fin.

IS