Chroniques

par gérard corneloup

Il trovatore | Le trouvère
opéra de Giuseppe Verdi

Grand Théâtre, Genève
- 12 juin 2009
Marc Vanappelghem photographie Il Ttovatore (Verdi) à Genève
© gtg | marc vanappelghem

Une sorcière qui jette des sorts ; un bébé que l’on jette dans les flammes ; deux frères qui se combattent et se déchirent, ignorant les liens qui les lient ; de sombres repaires, de noirs cachots, la haine et la vengeance à chaque coin d’acte… Difficile de trouver plus mélo que le livret confectionné par le sieur Salvatore Cammarano pour Verdi à partir d’une pièce espagnole tout aussi ébouriffante commise par le sieur Antonio García Gutiérrez. Un véritable challenge pour tout metteur en scène décidé à visualiser cet opéra qui fut longtemps l’un des piliers du répertoire verdien, mais voit de moins en moins souvent la scène, au profit de la nettement moins archaïsante Traviata. Bien des grands noms de la scène lyrique s’y sont essayés et y ont laissé des plumes, l’un sombrant dans la reconstitution historique à costumes empêtrée dans ses conventions, l’autre se noyant dans le genre frénétique exacerbé.

À Genève, Stephen Taylor relève le défit avec brio, aisance, mais sans suffisance, respectant l’esprit et adaptant la lettre avec infiniment de finesse et d’à propos. Avec lui, nous ne sommes plus dans l’Espagne médiévale livrée aux prêtres chasseurs de sorcières, mais dans l’Espagne du XXe siècle déchirée par la guerre civile, où s’affrontent franquistes et républicains, en une lutte dont la férocité n’est plus à rappeler. Rien de follement original, donc, avec le danger de tomber dans le genre Manrico chez Franco. Rien de tel, heureusement, ne sort de ce travail qui va à l’essentiel, suggère autant qu’il montre – encore que les projections cinématographiques semblent bien superfétatoire –, joue la carte du dépouillement dans les grands pans de murs dressés par le décorateur Laurent Peduzzi, jongle avec les sombres couleurs, voire l’absence de couleur, et travaille quelques éléments de base. Ainsi le métal des grilles fermées et des enclumes frappées. Ainsi le feu, omniprésent : celui du bûcher qui détruit les corps à défaut de régénérer les âmes, celui du brasier qui réchauffe les corps mais rallume les souvenirs. Efficace et toujours au service de la partition.

La composante musicale atteint presque la même homogénéité.
Maestro Evelino Pidò insuffle la vie qu’il faut à cette musique qu’il connaît bien et dont il sait à merveille tracer les grandes lignes directrices, à la tête de l’Orchestre de la Suisse Romande en grande forme et des Chœurs du Grand Théâtre aussi solides que nombreux.

Quant à la distribution, où les rôles dits secondaires sont judicieusement distribués, elle permet de savourer la voix bien timbrée et l’émission assurée du baryton George Petean (Comte de Luna) comme la musicalité et l’expressivité du mezzo Irina Mishura, remarquable dans le rôle délicat de la bohémienne Azucena. À côté d’un Ferrando tout de sobriété, fort bien interprété par la basse Burak Bilgili, le ténor Zoran Todorovich campe un Manrico avantageux, à l’aigu dur, parfois tout près de la rupture. Quant au soprano Tatiana Serjan, à la voix fatiguée, on peut lui reconnaître une indéniable émotion dans son incarnation de l’héroïne Leonora. Cela ne fait pas tout

GC