Chroniques

par vincent guillemin

Harrison Birtwistle | Dinah and Nick’s Love Song
Gustav Mahler | Symphonie en ré mineur n°3

Gustavo Dudamel dirige les Berliner Philharmoniker
Philharmonie, Berlin
- 14 juin 2014

Pour la deuxième saison consécutive, Mariss Jansons annule pour raison de santé le concert prévu avec les Berliner Philharmoniker. Il est cette fois remplacé par Gustavo Dudamel qui maintient le programme initial : une courte page de Birtwistle suivi de la Symphonie n°3 de Mahler.

Pour trois cors anglais et harpe, Dinah and Nick’s Love Song d’Harrison Birtwistle utilise la répétition d’un thème passant d’un bois à l’autre, soutenu par un rythme sicilien à la harpe. Créée en 1972, cette pièce d’environ cinq minutes met en valeur les solistes des Berliner Philharmoniker, à commencer par la harpiste Marie-Pierre Langlamet, placée au milieu de la scène. Lui répond, en écho placé juste derrière elle, le hautboïste Albrecht Mayer, pour l’occasion au cor anglais, dont la prestation est absolument parfaite. Utilisant la spatialisation, Christophe Hartmann et Dominik Wollenweber sont disposés à gauche et à droite, derrière le parterre.

La Symphonie en ré mineur n°3 de Gustav Mahler réunit un grand effectif, avec les Berliner Philharmoniker au complet, le mezzo-soprano Gerhild Romberger, les enfants du Staats-und Domchor et les dames du Rundfunkchor. Peut-être encore la plus belle machine musicale du monde, les Berliner Philharmoniker ont toutefois besoin de grands chefs pour la contrôler, et Gustavo Dudamel fait partie de ceux-là. Il révèle l’évolution importante de son art de la direction, désormais plus calme, faisant moins de mouvements tout en donnant à chacun d’eux une extrême précision. Le premier mouvement semble manquer de pathos, mais laisse se délecter à l’écoute de chaque phrase, découvrant ici ou là des traits jamais perçus auparavant, notamment dans les cors. D’une superbe clarté, l’exécution du troisième souligne encore plus le jeu impeccable et cette technique si particulière de l’orchestre, où chaque premier pupitre est au vrai sens du terme un Konzertmeister, en relais constant avec le chef (cette façon de travailler est particulièrement impressionnante dans les percussions). Le flûtiste Emmanuel Pahud est lui aussi fort intéressant, tant toutes ses phrases sont expressives.

Le quatrième mouvement fait découvrir la voix profonde et stable mais quelque peu dénuée d’ampleur de Gerhild Romberger dans l’extrait d’Also sprach Zarathustra de Nietzsche. Elle est soutenue par les soli magnifiques d’Albrecht Mayer (repassé au hautbois), Dominik Wollenweber (cor anglais) et Daishin Kashimoto (premier violon). Le cinquième mouvement débute étonnement par des cloches plus fortes que le chœur d’enfants dont le rôle est pourtant de figurer l’instrument par l’onomatopée « Bimm, Bamm ». Enfin, l’ultime Langsam, Ruhevoll, l’un des plus nostalgiques qu’a composés Mahler, montre la recherche stylistique du chef qui choisit un tempo très lent. Gustavo Dudamel s’avère d’une réelle expressivité et avance vers les années de maturités plutôt que de celles de la jeunesse à laquelle il nous habitua.

VG