Chroniques

par bertrand bolognesi

Gustavo Dudamel dirige l’Orchestre de l’Opéra national de Paris
Symphonie en ré majeur n°9 de Gustav Mahler

Philharmonie, Paris
- 16 septembre 2022
9ème de Mahler par Gustavo Dudamel et l’Orchestre de l’Opéra national de Paris
© elisa haberer | opéra national de paris

Quelques jours avant de le faire à Barcelone et à Genève, l’Orchestre de l’Opéra national de Paris donne un concert ohne Stimme à la Philharmonie de Paris, sous la direction du directeur musical de l’institution lyrique, Gustavo Dudamel. Contrairement à la saison dernière où il jouait Alborada del gracioso de Ravel, la Symphonie en ré majeur K.297/300a de Mozart et la Fantastique de Berlioz [lire notre chronique du 8 novembre 2021], selon un élan clairement parisien, le chef vénézuélien invite un seul opus à cette soirée, la Symphonie en ré majeur n°9 de Gustav Mahler. À se souvenir de ses lectures des Première, Deuxième et Cinquième du génial Bohémien de Vienne [lire nos chroniques du 26 juin 2009, du 3 août 2011 et du 4 juin 2007], comme de ses gravures de ce répertoire [lire nos recensions CD de la Cinquième et de la Septième], on ne sera pas surpris d’un tel choix.

Ce qui surprend plus, c’est l’extrême prudence avec laquelle est engagé l’Andante comodo, une prudence qui s’apparente à la contrition et dans laquelle aucun lyrisme ne se laisse inviter. Le travail de la nuance paraît probant, et les pupitres affichent assurément bonne forme, au fil d’une approche principalement gagnée par une véhémence plutôt sombre. Grâce à une grande réserve énergétique et à la mise en valeur d’une appréciable palette de couleurs, l’interprétation parvient peu à peu à se fuster de si terne gangue, certains passage retenant dès lors positivement l’écoute. Un soin particulier maintient les contrastes dans certaines proportions. La lecture manque toutefois de souffle sur la durée, une vue d’ensemble faisant clairement défaut, par-delà d’indéniables joliesses – impression d’autant plus prégnante que le mouvement est étiré plus que de coutume.

Prenant cordial appui sur un amble résolument terrien, Dudamel signe un Ländler dont la lourdeur de pas le dispute à la ciselure des bois, dans une sonorité volontiers généreuse à laquelle ne manquerait qu’une suavité plus charitable des cordes, certes vives mais assez sèches, avouons-le. À l’inverse, le Rondo–Burleske convainc d’emblée par une inflexion impérative qui rappellerait presque la verve urgente de György Solti dans son enregistrement londonien de 1967 – à coup sûr, la remarque ne saurait être prise pour insulte, croyons-nous. Le raffinement des timbres joue avec l’entrelacs foisonnant de la danse tragique.

À l’opposé de l’Andante liminaire, l’ultime Adagio, bien qu’entretenant la paradoxale âpreté lumineuse et dramatique qu’on en peut attendre, est ici parfaitement libéré du laborieux touage souvent infligé par nos baguettes contemporaines. Loin de forcer le trait, Gustavo Dudamel convie dans chaque phrasé solistique une rêverie qui rassérène, aussi fragmentée s’y révèle-t-elle, où l’on admire l’autorité de Marie Gondot au contrebasson et l’expressivité d’Aurélien Sabouret au violoncelle. Encore maintient-il plus qu’habilement une tonicité souveraine dans cet effort inouï d’espoir d’un Mahler fatigué et contrarié – seul à Toblach durant l’été 1909, tandis qu’un peu plus au sud Alma tente de dompter une dépression violente. Une heure et demie plus tard, la sobriété de l’abord, perçue comme excessive, s’avère désormais idéale.

BB